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la Cour pénale spéciale, quatre années d’existence et si peu de résultats – Jeune Afrique

la Cour pénale spéciale, quatre années d’existence et si peu de résultats – Jeune Afrique


Après des années de conflits, l’impunité demeure la norme et la justice, l’exception. C’est le constat amer des victimes des conflits qui ensanglantent la Centrafrique depuis vingt ans. Pourtant, il y a quatre ans, la Cour pénale spéciale (CPS) était créée pour mettre un terme à l’impunité en complétant le travail des tribunaux ordinaires et de la Cour pénale internationale (CPI).

Le Premier ministre de l’époque, Simplice Mathieu Sarandji, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale, déclarait alors que « c’était le début de la lutte contre l’impunité en RCA ». Si un premier procès s’est ouvert devant cette Cour en avril 2022 – et que des condamnations pour « crimes contre l’humanité » ont été prononcées à la fin du mois d’octobre –, cette juridiction a besoin d’un renouvellement de son mandat et d’un soutien politique plus fort pour répondre aux attentes des victimes.

Sentiment d’impunité

Depuis vingt ans, la vie de près de 5 millions de Centrafricains est rythmée par les conflits armés, lesquels ont conduit à la commission de nombreuses atrocités par tous les acteurs impliqués. Meurtres, viols et pillages ont été documentés sur l’ensemble du pays. Les victimes sont nombreuses, aucune communauté n’est épargnée.


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La violence des conflits et leur répétition peuvent s’expliquer entre autres par le sentiment d’impunité qui s’est installé dans le pays. Pendant de nombreuses années, des chefs de guerre, de mouvements politico-militaires ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité sans craindre de devoir rendre des comptes. Ce sentiment d’impunité a été renforcé par les différentes lois d’amnistie adoptées dans le pays, en 1997 (loi n°97.002 du 15 mars 1997), puis en 2003 (ordonnance n°03.003 du 23 avril 2003) et en 2008 (loi n° 08.020 du 13 octobre 2008).

En 2015, lors d’une concertation nationale appelée le forum de Bangui, la société civile a fustigé la pratique des lois d’amnistie qui ont alimenté un cycle de violence meurtrier, exigeant, au contraire, que les responsables des violations et abus des droits humains soient poursuivis et jugés. Pour les participants au forum, la mise en place d’une Cour pénale spéciale constituait une réponse appropriée. Tribunal hybride composé de magistrats centrafricains et « internationaux » (non centrafricains) dont le mandat est d’enquêter sur tous les crimes graves commis depuis 2003, la CPS a officiellement commencé son travail en 2018.

Manque de personnel

Quatre ans plus tard, selon les données de la CPS en juin 2022, 17 dossiers ont été introduits au niveau de la Chambre d’instruction. Douze personnes ont été inculpées, dont onze ont été placées en détention provisoire – leurs identités n’ont pas toutes été rendues publiques. Il faut ajouter à cela l’arrestation en octobre du commandant Vianney Semndiro et de Firmin Junior Danboy, suspectés de crimes qui auraient été commis entre 2009 et 2013 à Bossembélé.


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Quoiqu’importantes, ces avancées restent encore insuffisantes au regard des attentes des victimes. La CPS a fait face à de nombreux défis. Tout d’abord le manque de personnel : plusieurs postes, notamment celui de greffier adjoint international, sont restés vacants plusieurs années. Des postes de magistrats n’ont été comblés que récemment, handicapant le travail de l’institution. En outre, plusieurs autres questions se posent quant au fonctionnement de la Cour, particulièrement sa gestion à travers un projet du Programme des Nations unies pour le développement – une gestion externe qui entrave de fait l’indépendance de l’institution judiciaire.

Protection politique

La Cour doit aussi affronter des défis sur le plan politique. À titre d’illustration, la CPS a émis, selon son dernier rapport d’activités, plus d’une soixantaine de mandats d’arrêts/d’amener depuis 2018. À ce jour, seuls quatre d’entre eux ont été exécutés, un faible nombre qui s’explique par le fait que certains individus sont localisés dans des zones inaccessibles, mais aussi que d’autres bénéficient de protection politique entravant leur arrestation. Le cas du ministre de l’Élevage, arrêté à la suite d’un mandat d’arrêt de la Cour puis libéré par les autorités dans les jours qui ont suivi, en est une illustration.


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La CPS a encore beaucoup de travail à faire pour remplir sa mission d’enquêter, poursuivre et juger les responsables de tous ces crimes. Il faut lui donner le temps et les moyens de rendre effectivement justice aux Centrafricains. Alors que son mandat initial se termine dans un an seulement, le gouvernement ainsi que son partenaire onusien doivent le renouveler pour cinq années supplémentaires, et tout mettre en œuvre pour que la Cour dispose du soutien nécessaire au succès de ces opérations, y compris par l’arrestation des personnes visées par les mandats.

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