Sa valorisation à 1,7 milliard de dollars n’était que du vent. La banque en ligne GloriFi, soutenue par le très controversé entrepreneur américain Peter Thiel, ferme ses portes. L’établissement a trébuché seulement trois mois après le début de son activité. La faute à un démarrage difficile, de multiples erreurs, une absence de licence bancaire et un climat économique jugé difficile par sa directrice de la communication.
Mais derrière l’idée d’un échec seulement économique se cache surtout “de multiples histoires négatives qui ont fait des ravages”, reconnaissait encore la directrice de la communication dans un e-mail interne envoyé aux salariés et partagé par le Wall Street Journal. C’est par la voie numérique également que l’entreprise a licencié ses salariés, en cherchant à rester discrète sur l’opération.
Une banque d’extrême droite
GloriFi a été construit, par ses dirigeants, comme une banque d’extrême droite, pour les partisans d’extrême droite. Alors toutes les valeurs y passaient : racisme, haine vis-à-vis de la communauté LGBT, glorification de Dieu… même le port d’arme était une raison pour la banque d’offrir un rabais sur l’assurance habitation.
Le marché visé comptait “100 millions d’Américains qui veulent être libres”, déclaraient les investisseurs du projet, qui ont injecté des dizaines de millions de dollars dans la banque. En tête de fil, le fondateur de PayPal et de Palantir, Peter Thiel. Le sympathisant de Donald Trump avait lié ses forces avec un certain Kenneth Griffin du hedge fund Citadel (l’un des hedge fund à l’origine de l’affaire GameStop).
Il y a un mois, la banque réactionnaire fermait déjà l’accès aux ouvertures de comptes après avoir dépassé – selon ses dires – les 50 000 clients. Les objectifs de lancement largement dépassés cachaient pourtant une situation de crise en interne, où “l’argent des investisseurs avait presque disparu et GloriFi était au bord de la faillite”. Ce à quoi une journaliste de chez Forbes rétorquait à la nouvelle de la fermeture de la banque : “à quelle vitesse une startup bancaire sans banque peut-elle brûler 50 millions de dollars ?”.
En tout, 84 fonds de milliardaires réactionnaires ont perdu de l’argent dans cette affaire. Et les clients qui ont ouvert un compte vont devoir s’armer de patience. La banque dit qu’elle préparait l’accompagnement de ses clients depuis son site internet mais pour rappel, celle-ci ne possédait pas encore de licence bancaire et il se pourrait qu’elle décide purement et simplement de renvoyer ses clients vers son partenaire. Tous les comptes seront désactivés le 6 décembre.
En voulant tout faire très vite, GloriFi avait même préparé son SPAC pour entrer en Bourse. DHC Acquisition Corp, sur le Nasdaq, devait signer avec la banque pour lui permettre de rejoindre les marchés publics et donc accéder à davantage de capitaux. La fusion était planifiée pour le début de l’année prochaine. Un énième plan tombé à l’eau et qui éloignait encore la startup de son projet principal : construire une banque.
Les erreurs de démarrage, l’alcoolisme de son dirigeant, les difficultés macro-économiques… tous ces arguments ne sont rien face à la stratégie infructueuse de GloriFi à tout miser sur le marketing. Comme beaucoup d’autres startups, ses dirigeants ont passé trop de temps et mis trop de moyens dans le fantasme d’un projet disruptif. La volonté de faire directement mieux qu’une banque classique signe de mauvais présages. Nous l’avons vu chez des néo-banques en Europe. “Une néo-banque au thème audacieux doit encore agir comme une banque”, ajoutait Ann Rutledge de Forbes.