En matière de dette publique, la révolution n’est pas pour demain. On aurait pu penser que les séquences du quantitative easing, c’est-à-dire la création de monnaie en contrepartie de l’achat de titres publics, puis du « quoi qu’il en coûte » pandémique allaient enfin nous libérer d’un certain nombre de croyances néfastes sur ce sujet. Depuis que François Fillon, alors premier ministre, déclarait en 2007 être à la tête d’un Etat en quasi-faillite, notre dette a quasiment doublé. Elle représentait alors 63 % du produit intérieur brut (PIB) contre près de 115 % aujourd’hui. Et, pourtant, l’Etat a, jusqu’en 2023, emprunté à des taux toujours plus faibles, sans jamais manquer d’acheteurs !
Il a aussi été démontré qu’une banque centrale a la capacité, si elle le décide, de contrôler le niveau des taux et de fournir des débouchés à la dette publique, jusqu’à en posséder plus du tiers pour l’ensemble des pays de la zone euro. Cette situation n’avait pas été prévue par les rédacteurs du traité de Maastricht, qui avaient au contraire tout fait pour l’empêcher. Mais nécessité fait toujours loi. La nécessité de relancer la croissance, d’éviter l’éclatement de la zone euro et de lutter contre la pandémie a justifié ces politiques dérogatoires.
Il existe pourtant aujourd’hui une volonté très nette de refermer la parenthèse plutôt que de prendre acte de cette nouvelle donne, alors même que les motifs d’investir plus d’argent public sont nombreux : financer la reconstruction écologique, moderniser nos infrastructures, renforcer le système social et éducatif, etc. Il faut au moins 36 milliards d’euros d’investissements annuels supplémentaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Comment allons-nous financer tout cela si l’on prévoit, comme vient de le faire le gouvernement dans son programme de stabilité remis à la Commission européenne, un retour sous la barre des 3 % de déficit en 2027 ? Avec une prévision de croissance faible une fois le pic inflationniste passé, une telle trajectoire financière implique plus d’une dizaine de milliards d’euros de réduction de dépenses publiques chaque année d’ici à 2027. On peut faire toutes les circonvolutions que l’on veut : il est difficile de transformer un moins en plus. Soit on investit plus, soit on dépense moins.
Même constat au niveau européen : le plan REPowerEU, censé nous permettre de nous libérer du gaz russe tout en développant notre indépendance énergétique, est accompagné de seulement 20 milliards d’euros d’argent frais sur les 210 milliards qu’il requiert, a pointé la Cour des comptes européenne. Sur les près de 750 milliards censés doter le plan de relance européen mis en œuvre en 2020, seulement 94 milliards de subventions sur 338 et 45 milliards de prêts sur 386 ont été versés, à la date en janvier 2023. Si le plan Marshall avait été aussi long à se déployer en 1945, la reconstruction de l’Europe aurait été bien douloureuse.
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