Des bibliothèques partout, des livres par centaines, de l’entrée au salon de son appartement parisien. L’œil espiègle, Michel Winock dévoile la partie la plus personnelle de sa collection : une quarantaine de volumes reliés, son nom gravé en lettres dorées sur chaque dos. Mais l’historien se défend d’être fétichiste : « Je fais ça pour mes enfants. C’est leur héritage ! »
Son nouvel ouvrage, un beau volume de la collection « Quarto », chez Gallimard, est bienvenu pour qui veut comprendre les turbulences politiques des temps passés et présents. Le titre Gouverner la France représente, reconnaît-il, « une antiphrase » : « Il y a derrière cette formule l’idée d’ingouvernabilité. Gouverner la France est un défi permanent ! »
On y retrouve La Fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques de 1871 à 1968 (Calmann-Lévy, 1986), qui, dans l’histoire politique de la France contemporaine, fait figure de classique. L’historien y avait montré qu’entre la fièvre rouge de la Commune et la fièvre étudiante de Mai 68, soit en à peine un siècle, la France était tombée malade huit fois. Tel un médecin légiste, il établissait que deux crises avaient été fatales au régime en place : celle du 10 juillet 1940, qui mit fin, après la défaite, à la IIIe République, et celle du 13 mai 1958, qui, sous le poids de la guerre d’Algérie, acheva la IVe République.
Les divisions politiques entre Français n’ont cessé de croître
A la frontière entre histoire et littérature, comme souvent chez lui, Winock avait placé en exergue de la conclusion ces mots écrits par François Mauriac en 1968 : « Je ne crois pas qu’il y ait plus de haine aujourd’hui chez nous qu’au bon vieux temps. La guerre civile y a été froide ou chaude selon les époques, mais perpétuelle. » Dans le sillage de l’écrivain, l’historien en est venu à la conclusion que les divisions politiques entre Français ont pris leur élan sous la monarchie et n’ont cessé de croître depuis la Révolution.
Pour lui, la cause de ces divisions est à chercher, d’une part, du côté de l’Etat, très centralisé, très puissant, auquel on demande tout, mais qui, parce qu’il est trop loin, est la cible de toutes nos protestations. D’autre part, du côté de l’Eglise catholique, qui, très hiérarchisée, a favorisé l’esprit de soumission et son contraire, l’esprit de révolte. « En Angleterre, la monarchie a évolué progressivement vers la démocratie libérale, alors qu’en France la radicalité de l’absolutisme a été renversée par la Révolution, qui, par sa recherche d’unanimité, a engendré des divisions extrêmes dont on ne sort pas », analyse-t-il aujourd’hui.
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