Après deux éditions annulées en raison du Covid-19, c’est peu dire que le retour du festival Nyege Nyege, le plus grand rendez-vous de musique électronique d’Afrique de l’Est, était attendu par les organisateurs et le public. « On retrouve un peu l’ambiance de nos débuts », sourit Derek Debru, cofondateur de l’événement. Installé cette année sur les hauteurs du Nil blanc et des spectaculaires rapides d’Itanda, le Nyege Nyege, qui signifie « l’irrésistible et soudaine envie de danser » en luganda, s’est offert comme un nouveau départ.
Sur le site, bien plus grand que le précédent, les visiteurs profitent dans la journée d’activités comme le kayak ou le paddle, ou se prélassent sur les berges du fleuve. La nuit, ils passent d’une scène à l’autre pour danser sur les sons du singeli tanzanien, de l’électro expérimentale ou de l’amapiano sud-africain grâce à une programmation riche de presque 300 artistes. « Je suis venu pour me laisser surprendre car je n’écoute pas habituellement ce genre de musique, explique Moses, d’origine kényane. Pour les scènes, je suis loin d’être déçu, mais l’organisation n’est pas optimale. La tente que j’avais réservée n’était pas disponible quand je suis arrivé ».
Lors du lancement des festivités, les campements censés accueillir les festivaliers étaient loin d’être prêts. Même au deuxième jour, toutes les tentes, toilettes et douches n’étaient pas encore finies d’être montées, et certains chalets, les logements les plus chers du site, n’ont jamais été construits. « On s’est rendu compte au dernier moment que l’entrepreneur n’avait pas le matériel nécessaire pour faire son travail et que nous nous étions fait duper », regrette Derek Debru.
« Proche de la vénération du diable »
Plusieurs autorités du pays ont également essayé d’interdire l’événement. Le 6 septembre, la présidente du Parlement, Anita Among, affirmait annuler le festival, accusé de « promouvoir l’immoralité ». La nouvelle a rapidement été contredite par le gouvernement qui assurait toutefois renforcer la sécurité et interdire « les orgies et la nudité ». « On commence à avoir l’habitude de ces annonces, je ne m’inquiète plus quand je vois que le Nyege est interdit », s’amuse Jane Bugeme, venue avec des amis pour sa troisième édition. En 2018 déjà, le festival avait échappé à une annulation, formulée par le révérend Simon Lokodo, ancien ministre de l’éthique, ouvertement homophobe, qui le qualifiait de « proche de la vénération du diable ».
« C’est triste de parler de ça au lieu de la programmation et de la vision artistique », regrette Derek Debru. Malgré ces pressions, le Nyege Nyege et ses deux labels, Nyege Nyege Tapes et Hakuna Kulala, se sont installés en quelques années comme des acteurs incontournables des différentes scènes alternatives du continent africain, rampes de lancement pour de nombreux artistes qui se produisent désormais à l’international.
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