La comparution de Moussa Dadis Camara, moment le plus attendu depuis l’ouverture en Guinée du procès du massacre de septembre 2009, a tourné court lundi 5 décembre. Moins de douze minutes après avoir appelé l’ancien dictateur à la barre, le président du tribunal, Ibrahima Sory Tounkara, prononçait le renvoi de l’affaire au 12 décembre avec ces mots : « Vous avez une semaine, M. Camara, l’audience est levée. »
Dans l’intervalle, l’ancien autocrate âgé de 57 ans, qui faisait trembler ceux qui subissaient ses foudres, a plaidé pour le renvoi en invoquant sa santé. « Avec tout le respect que j’ai pour votre auguste tribunal – j’en ai déjà informé le directeur de la garde pénitentiaire, le médecin chef de la garde pénitentiaire –, depuis un très bon moment, je souffre », a dit le capitaine Camara après s’être présenté à la barre d’une démarche mal assurée et en tenue civile, lui qui ne se départait jamais de son uniforme. « Je ne suis pas au-dessus de la loi, a-t-il dit. Mais en toute sincérité, je ne me sens pour le moment absolument pas » en état de déposer.
Le principal accusé de ce procès historique a vaguement évoqué « le palu » qu’il a eu, « un affaiblissement total », et laissé entendre qu’il préférait ne pas s’étendre. « Le tribunal ne peut pas vous obliger à dire ou à faire ce que vous ne voulez pas faire […] Si vous dites que vous ne pouvez pas [déposer], le tribunal vous suivra », a dit le président avant d’annoncer le renvoi.
« Une maladie qui n’en est pas une »
Le capitaine Camara répond depuis le 28 septembre, avec une dizaine d’anciens responsables militaires et gouvernementaux, du massacre perpétré treize ans plus tôt jour pour jour. Porté au pouvoir par un coup d’Etat neuf mois auparavant, il était président ce jour et les suivants où les bérets rouges de sa garde, des soldats, des policiers et des miliciens ont assassiné dans un stade de Conakry et alentour des dizaines de personnes réunies pour le dissuader de se présenter à la présidentielle prévue en janvier 2010. Des dizaines de femmes ont été violées, des individus séquestrés et torturés, de nombreux corps escamotés. Ecarté quelques mois après le massacre, exilé ensuite au Burkina Faso, il a été emprisonné après être rentré pour le procès.
L’avocat de l’ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara a accusé l’ex-président de simulacre. Son client, Aboubacar Sidiki Diakité alias « Toumba », jugé lui aussi, a déjà longuement déposé et a accusé le capitaine Camara d’avoir préparé le massacre. « Notre pressentiment est que M. Dadis a peur maintenant de comparaître, parce qu’il a été confronté à la réalité du dossier […] C’est ce qui l’amène à inventer de toutes pièces une maladie qui n’en est pas une », a dit Me Lanciné Sylla à des journalistes.
L’un des avocats du capitaine Camara, Jocamey Haba, a assuré que son client souffrait depuis quelques semaines d’un accès de paludisme « qui le fatigue énormément ». Il a soutenu le « droit absolu » de son client à un répit et fait valoir que « cela fait dix ans que le président Dadis demande à être entendu » par la justice.
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