Une commission indépendante désignée par le Parlement sud-africain estime que Cyril Ramaphosa « aurait » enfreint les lois anti-corruption, violé la Constitution, abusé de son pouvoir et se serait exposé à « une situation impliquant un conflit entre ses responsabilités officielles et ses affaires privées ». L’enquête a été lancée après que 580 000 dollars en cash (près de 560 000 euros) ont été volés au président sud-africain en février 2020. Les billets dérobés étaient cachés dans un canapé de sa ferme privée de Phala Phala, au nord de Pretoria.
Selon la commission, Ramaphosa aurait joué un rôle dans la tentative de dissimulation de cet argent. Sur la base de ces constatations, le Parlement pourrait, par un vote favorable des deux tiers, lancer une procédure de mise en accusation contre le président lors de sa réunion du mardi 6 décembre. Mais ce dernier est confronté à un obstacle beaucoup plus immédiat : son parti.
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Dans un premier temps, le secrétaire général en exercice du parti, Paul Mashatile, qui jouit d’un large soutien au sein des branches de l’African National Congress (ANC) et qui a lui-même des ambitions présidentielles, avait convoqué une réunion spéciale du comité exécutif national (NEC) de l’ANC pour ce jeudi 1er décembre au soir, laquelle aurait pu contraindre le président à démissionner. Ce dernier, dans une dernière manœuvre, a réussi à la repousser sine die, signe qu’il est décidé à se battre pour garder sa place, même si la situation est devenue critique.
S’il survit à ces prochains jours, Ramaphosa passera un nouveau test dans deux semaines, le 16 décembre, quand le parti tiendra sa conférence élective. C’est alors que se jouera définitivement son sort : soit il sera élu pour un second mandat, soit Mashatile le remplacera, voire l’ancien ministre de la Santé, Zweli Mkhize, qui est également en lice pour le poste. Des adversaires qui, eux-mêmes, ont des difficultés : Mkhize fait également l’objet d’allégations de corruption et le processus de nomination a montré que les soutiens dont il bénéficie se limitent principalement à sa province natale, le KwaZulu-Natal.
Rendez-vous annulés
Signe que les temps sont décisifs, Ramaphosa a déjà annulé une séance de questions-réponses à laquelle il devait participer ce jeudi au Conseil national des provinces du Parlement, et son porte-parole a annulé une réunion d’information générale prévue le même jour. Peu après que la commission a remis son rapport au président du Parlement, mercredi 30 novembre au matin, le bureau de Cyril Ramaphosa a publié un communiqué annonçant qu’une visite d’État du président vénézuélien, Nicolas Maduro, prévue le mardi 6 décembre, avait été reportée.
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Certains des alliés de Ramaphosa au sein du comité exécutif de l’ANC se sont défendus. Le Premier ministre du Cap-Nord par exemple, Zamani Saul, a souligné le fait que la commission avait une « portée limitée » et que ses conclusions étaient prématurées, usant des mots comme « prima facie » et « peut-être » dans ses recommandations. Ces mots pourraient influencer la perception de l’affaire, a-t-il dit, « mais ils ne sont pas concluants et ne prouvent pas la culpabilité du président ». Il faut laisser aux parlementaires le soin de traiter cette question, a-t-il ajouté.
>>> Lire cet article en anglais sur The Africa Report : South Africa: Ramaphosa could resign after losing support
Un autre allié a déclaré qu’il était peu probable que Ramaphosa survive à la réunion du comité exécutif. « Il y a trop d’accusations et tous veulent qu’il parte, car sinon, ils seront tous évincés in fine. »
Poussé vers la sortie
Maintenant qu’un rapport officiel affirme que Ramaphosa doit répondre de graves accusations, certains de ses partisans au sein du comité exécutif de l’ANC pourraient changer de position et devenir des adversaires du président. News24 a rapporté ce jeudi que ce dernier avait dit à ses alliés qu’il n’était pas opposé à une démission. On ne sait pas encore s’il démissionnerait uniquement de son poste de président du pays ou s’il renoncerait également à la direction de l’ANC.
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L’un des principaux alliés de Cyril Ramaphosa, le ministre à la Présidence Mondli Gungubele, a déclaré jeudi matin que Ramaphosa « est conscient de la situation ». Ramaphosa a été élu président de l’ANC en 2017 en promettant qu’il mènerait un vigoureux combat contre la corruption, devenue monnaie courante sous son prédécesseur, Jacob Zuma. Il s’est également efforcé d’éradiquer le problème dans les rangs du parti, en instaurant une règle qui oblige les personnes faisant l’objet de graves accusations à se retirer.
Ironiquement, c’est à cause d’accusations de corruption que Ramaphosa pourrait être contraint de démissionner. Avant lui, par deux fois, l’ANC avait forcé le chef de l’État à quitter la tête de l’Afrique du Sud. Il s’agissait des présidents Zuma et Thabo Mbeki.