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Yang Huiyan, actionnaire majoritaire de Country Garden, l’un des plus grands groupes immobiliers chinois, a vu sa richesse fondre de moitié en seulement une année. Un revers de fortune qui illustre les difficultés d’un marché chinois désormais étroitement surveillé par les autorités de Pékin. Explications.
Elle est toujours la femme la plus riche d’Asie mais avec une fortune amputée de moitié. En seulement un an, le patrimoine de Yang Huiyan est passé de 23,7 milliards de dollars à 11,3 milliards, selon le classement Bloomberg des milliardaires publié cette semaine. Une chute vertigineuse qui illustre une nouvelle fois la fragilité du marché de l’immobilier chinois.
Héritière discrète, Yang Huiyan est l’actionnaire majoritaire de Country Garden, une entreprise créée par son père au début des années 1990, devenue l’un des plus importants promoteurs de Chine.
L’entreprise a réalisé l’an dernier le plus gros chiffre d’affaires du secteur en dépit d’une crise de l’immobilier symbolisée par le groupe Evergrande, l’ancien numéro 1, plombé par une ardoise abyssale de 300 milliards de dollars.
Loin d’être aussi mal en point, Country Garden est toutefois très endettée, comme la plupart des géants chinois de l’immobilier. Or, depuis 2020, Pékin a sifflé la fin de la récréation : les conditions d’accès au crédit bancaire pour les promoteurs sont devenues beaucoup plus restrictives. Objectif : éviter un effondrement du secteur, potentiellement cataclysmique pour toute l’économie chinoise.
Victime de la nervosité des marchés
Pour honorer ses échéances de paiement et lancer de nouveaux investissements, Country Garden a donc choisi de mettre en vente, mercredi 27 juillet, de nouvelles actions pour accroître ses liquidités.
« Or, cette vente d’actions a été interprétée comme un signe de vulnérabilité dans un secteur en grande difficulté qui représente un poids important dans le PIB chinois. Les marchés financiers sont donc très nerveux », analyse l’économiste Mary-Françoise Renard, autrice de « La Chine dans l’économie mondiale » (éd. Presses universitaires Blaise Pascal).
Résultat, l’action Country Garden a perdu 15 % de sa valeur à la Bourse de Hong Kong, portant de fait un sérieux coup au portefeuille de Yang Huiyan.
« Le durcissement des conditions d’accès au crédit était nécessaire mais il accroît à court et moyen terme les difficultés de ces entreprises qui ont de plus en plus de mal à se financer », explique Mary-Françoise Renard. « Il y a encore quelques années, Country Garden aurait pu emprunter auprès des banques sans aucun problème. »
Des défauts de paiement en cascade
Si Country Garden a pu lever des fonds au prix d’une chute de la valeur de son action, d’autres acteurs majeurs sont loin d’avoir les reins aussi solides et se retrouvent, à l’image d’Evergrande, dans l’incapacité de rembourser un emprunt arrivé à échéance.
Début juillet, le groupe Shimao, qui enregistre sur les cinq premiers mois de l’année un repli de 72 % de ses ventes sur un an, a dû renoncer au remboursement d’un emprunt d’une valeur de plus d’un milliard de dollars. En mai, c’est le groupe Sunac qui se retrouvait à court de liquidités et annonçait un défaut de paiement.
Pendant deux décennies, le secteur immobilier a profité de la hausse continue du niveau de vie de la population dans un pays où l’achat d’un bien est souvent un prérequis au mariage. Mais cette boulimie d’achats a fini par se tarir dans les années 2010.
Les incertitudes liées à la crise du Covid-19 ont également contribué à freiner les ardeurs de potentiels acheteurs. La stratégie « zéro Covid » de Pékin « pèse sur la consommation des ménages. De façon générale, elle est très coûteuse pour l’ensemble de l’économie », note Mary-Françoise Renard.
Grève des remboursements
À ces difficultés s’ajoutent le début d’une crise de confiance : plusieurs centaines de groupes de propriétaires chinois qui ont acheté des appartements sur plan ont décidé de ne plus rembourser leurs prêts immobiliers. Une manière de mettre la pression sur les promoteurs quand la construction d’un bien est interrompue.
Malgré la reprise en main du secteur par les autorités, les problèmes structurels perdurent et ne sont pas près de disparaître, estime Mary-Françoise Renard, qui cite « l’endettement massif des promoteurs, des investissements hasardeux et surtout une très mauvaise estimation des risques de la part des banques et des gouvernements locaux ».
Selon certains analystes, le secteur immobilier serait même plongé dans un cercle vicieux qui pourrait accroître la défiance des consommateurs alors que la croissance chinoise fait du sur-place. Selon des chiffres officiels publiés en juillet, le produit intérieur brut de la deuxième puissance économique mondiale n’a progressé au deuxième trimestre que de 0,4 % sur un an.