Les projets d’équipement se multiplient dans de nombreuses PME et ETI industrielles. Ces dernières peuvent se tourner vers un centre d’expertise unique en France qui permet de voir grandeur nature ce qui est possible de faire. Et aussi faire tomber les mythes.
Quelle est la réalité de la robotique? Il y a quelques semaines, Elon Musk a présenté deux prototypes du robot humanoïde Optimus, que son entreprise Tesla espère produire un jour par « millions » pour « transformer la civilisation » et bâtir un « avenir d’abondance » où la pauvreté aura disparu.
Une belle perspective qui relève pour le moment du fantasme absolu tant l’industrie (et le robot du futur patron de Twitter) est loin de cette réalité. Tout comme les robots humanoïdes en général qui font briller les yeux des geeks mais qui pour le moment sont incapables de venir en support de l’humain.
La réalité de la robotique actuelle est bien plus pragmatique et terre à terre. On peut l’avoir à l’action dans les usines et les industries. Pour produire avec l’aide d’ouvriers et de techniciens.
La France, 15e mondiale en densité de robots industriels
Le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Allemagne sont les pays où la densité de robots industriels est la plus élevée. La France a longtemps été à la traîne dans ce domaine, la faute à une industrie en chute libre pendant des décennies. Mais le regain depuis quelques années de l’industrie en France avec l’installation de nombreuses nouvelles usines provoque une forte demande pour les robots, des machines toujours plus fonctionnelles et évolutives.
« Effectivement, il y a un vrai renouveau industriel en France qui génère une grosse demande pour ce type d’outils de production, surtout pour des produits à faible valeur ajoutée. Si on regarde la densité, on est 15e mondial et on est au-dessus de la moyenne mondiale », explique à BFM Business Jade Lemaitre, PDG de Proxinnov.
Proxinnov est un centre d’expertise unique en France (à La Roche sur Yon) qui permet de voir grandeur nature ce qui est possible de faire. Il réunit un réseau de 170 entreprises partenaires et propose des missions d’expertise, d’accompagnement des industriels, des études de faisabilité, des formations… C’est le plus gros cluster de la robotique en France.
Surtout, elle dispose d’une vraie usine de 1000 m2, sorte de showroom productif qui permet de voir grandeur nature et de tester ce qui est possible de faire dans tous les domaines industriels concernés par la robotique: assemblage, parachèvement, impression 3D, soudage, usinage, logistique… au sein de de cellules dédiées. « En un mot, nous accélérons la mise en œuvre de solutions robotisées pour booster les performances des entreprises », résume Jade Lemaître.
Expliquer la réalité versus le rêve d’Elon Musk
« On a eu 50 demandes sur trois mois, c’est très fort. Par contre la conjoncture fait que le temps de décision de valider le projet est plus longue. Mais ça devrait s’accélérer en 2023 » poursuit la dirigeante.
Pour quels types de projets? « Cela concerne d’abord les PME et les ETI pour des problématiques de production, notamment de petites séries mais on couvre beaucoup de filières. Menuiserie industrielle, agroalimentaire, nautisme/naval, bois, électronique, métallurgie, aéronautique. Ou sur des productions problématiques: on fait du sur-mesure, du cas par cas », détaille-t-elle.
Il s’agit aussi et surtout de faire tomber les mythes. « Certains sont très experts de la robotisation et on peut très vite leur montrer ce qui est possible de faire ou pas. Et d’autres sont très néophytes. Et il y a des mythes sur les coûts. On pense que c’est peu onéreux mais ce n’est pas le cas. Et ce n’est pas toujours accepté. Beaucoup d’entreprises sont peu ou mal informées sur le sujet. Et là c’est difficile d’expliquer la réalité versus le rêve d’Elon Musk », explique Jade Lemaitre.
Les nombreuses vidéos des robots de Boston Dynamics par exemple, capables de danser, marcher, surveiller des locaux voire courir marquent les esprits.
« C’est très bien mais c’est très compliqué à faire fonctionner en vrai. Quand on parle du coût et de l’apprentissage (120.000 euros) et de son heure et demie d’autonomie, le mythe s’effondre » raille la PDG.
Le clé en main n’existe pas
Un robot, c’est le plus souvent une base, un bras et un préhenseur (la main au bout du robot qui accomplit le geste, le mouvement recherché). Le tout programmé pour une tâche.
« On doit personnaliser pour chaque application dans 85% des cas. Le clé en main n’existe pas. Il s’agit essentiellement de configurer le préhenseur. Mais la réflexion en cours c’est l’adaptabilité des robots en y ajoutant des compétences (skills), que les non-roboticiens pourront programmer facilement. Jusqu’à présent, tout se programmait différemment avec des systèmes différents, une sorte de mille-feuilles logiciel avec des technos propriétaires pour faire fonctionner ensemble les différentes parties d’un robot », explique Jade Lemaitre.
Autre tendance lourde, les « cobots », des robots qui viennent épauler l’humain. « C’est le segment qui progresse le plus (+15%), car c’est la réalité du marché: il faut souvent un homme avec le robot. Il est facile à programmer, simple, pas trop cher. Il trouve sa place en bout d’usine par exemple en tant que ‘3e bras’. Par contre, il ne s’agit pas de mettre un robot aux côtés d’un humain: c’est chacun sa tâche, c’est beaucoup plus simple à orchestrer » poursuit la responsable. « Collaborer sur la même tache, ça ne marche pas, à part quand on parle d’exosquelette ».
Depuis sa création, Proxinnov a déjà accompagné 150 projets industriels et a démontrer la pertinence d’un modèle public/privé avec un financement (1,5 million d’euros de budget annuel) assuré par la région, la BPI, l’Etat et les partenaires industriels.