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« Comme le viol et la destruction des centrales électriques, la culture est pour la Russie une arme de guerre »

« Comme le viol et la destruction des centrales électriques, la culture est pour la Russie une arme de guerre »


Il y a les quartiers rasés, les immeubles éventrés par les bombes, les massacres de civils, les viols, les enlèvements, la torture. Il y a les déportations d’enfants ukrainiens, placés dans des familles russes. Il y a les 13 millions de personnes déplacées. Comparé à l’horreur quotidienne que vivent les habitants de l’Ukraine depuis neuf mois, le pillage des musées peut paraître secondaire. Cette pratique systématique de l’occupation russe est pourtant plus révélatrice encore de la motivation profonde de la guerre déclenchée le 24 février par Vladimir Poutine : effacer l’identité ukrainienne. Au même titre que le viol et la destruction des centrales électriques, la culture est utilisée comme une arme de guerre.

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Alina Dotsenko, directrice du Musée des beaux-arts de Kherson, ville qui vient d’être libérée après huit mois d’une très brutale occupation, a raconté au journal Oukrainskaïa Pravda comment l’armée russe a fait main basse sur les collections qu’elle a mis trente ans à réunir. Lorsque les forces russes sont arrivées dans la ville, le musée à l’élégante architecture classique était fermé pour travaux. « Le 3 mars, seize hommes armés ont fait irruption, ils ont dégagé un policier et ont fait sauter la porte en tirant dessus. Lorsqu’ils sont entrés, ils ont vu que le bâtiment était en rénovation et ils sont repartis. » Alina Dotsenko réussit d’abord à convaincre les Russes que les œuvres, qui étaient en réalité stockées dans une aile du musée, avaient été évacuées pour la durée des travaux.

Mais, en mai, les choses tournent mal pour elle lorsque les nouveaux maîtres de Kherson lui demandent d’organiser une exposition patriotique russe pour commémorer la victoire du 9 mai 1945. Elle refuse, est convoquée au « parquet » : en moins de vingt-quatre heures, elle prend la sage décision de quitter la ville. En juillet, elle apprend par les gens restés sur place que deux employés du musée ont été retournés par les Russes et les ont conduits aux tableaux.

Plusieurs tableaux identifiés

Entre le 31 octobre et le 3 novembre, juste avant le retrait russe, les collections du musée – qui abritait 15 000 objets, dont des œuvres du XVIIsiècle, y compris d’artistes ouest-européens et baltes – et le matériel administratif ont été chargés sous escorte militaire russe dans cinq camions et bus, sous les yeux d’habitants dont certains ont réussi à prendre des photos. Plusieurs de ces œuvres ont depuis refait surface sur les réseaux sociaux : des photos de leur arrivée au Musée central de Tauride, à Simferopol, en Crimée annexée par la Russie en 2014, sont apparues et ont permis à Mme Dotsenko d’identifier plusieurs tableaux de son musée. Le conservateur du Musée de Tauride, Andreï Malguine, a d’ailleurs confirmé au Moscow Times la semaine dernière qu’il avait reçu l’ordre d’accueillir les collections de Kherson « en vertu de la loi martiale, jusqu’à ce qu’elles soient rendues à leur propriétaire légitime ». Qui est ce « propriétaire légitime » ? L’histoire ne le dit pas.

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