La saison du CF Montréal étant terminée, quelques joueurs se tournent maintenant vers la Coupe du monde qui s’amorcera dans moins d’un mois.
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C’est le cas des Canadiens Samuel Piette, Alistair Johnston, Kamal Miller, Ismaël Koné et Joel Waterman qui devraient être sélectionnés par John Herman pour représenter la feuille d’érable au Qatar.
Pour eux, c’est un rêve qui se réalise. On les comprend, ils sont âgés entre 20 et 27 ans. Ils n’étaient donc pas nés la dernière et seule fois où le Canada a participé à l’événement, en 1986.
Ils ont toutefois la malchance de tomber sur une Coupe du monde qui s’accompagne de controverses, surtout sur le plan humain.
Des milliers de morts
Le petit pays de la péninsule arabique défraie les manchettes depuis plusieurs années en raison des conditions imposées aux travailleurs migrants qui ont œuvré à bâtir les stades et les diverses infrastructures nécessaires à la présentation de la Coupe du monde.
Dans une enquête parue en mars 2021, le quotidien The Guardian révélait que ce sont plus de 6500 travailleurs provenant de l’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka qui sont décédés depuis que le Qatar a obtenu le droit de présenter le tournoi, en décembre 2010.
Selon le Monde diplomatique, ce sont plus de deux mille accidents graves qui ont été recensés.
On a décrié les conditions dans lesquelles ils ont été hébergés en raison de l’insalubrité des baraquements et de leur surpopulation. Les travailleurs ont souvent été payés en retard ou pas du tout, on leur demandait des frais de recrutement exorbitants et ils avaient très peu de congés en plus de travailler de très longues heures et de ne pas pouvoir quitter le pays sans permission et visa.
Ajoutons à cela la kafala, une forme de mise sous tutelle des travailleurs étrangers qui les lient à leur employeur et à personne d’autre. Il n’est donc pas possible de changer d’emploi une fois sur place.
Le système a officiellement été aboli en 2016, mais il en subsiste des relents pour le million de travailleurs provenant de l’étranger et qui sont en quelque sorte des sujets de leur employeur.
Controversé
Dans ce contexte, les joueurs canadiens qui se rendront au Qatar le mois prochain se montrent très prudents.
«C’est un sujet très controversé et je ne veux pas trop m’avancer. Je veux surtout bien représenter mon pays», a sagement expliqué Kamal Miller quand on l’a interpelé sur la question.
Samuel Piette a essayé d’en parler avec détachement pour éviter de se mettre dans le pétrin.
«Ce n’est pas trop un truc sur lequel on s’attarde. On y va pour la business entre guillemets. On y va pour jouer au moins trois matchs de foot et peut-être plus.
«L’environnement est particulier et je ne connais pas les droits et les non-droits.»
Sentiments partagés
Quand on gratte un peu, comprend que les joueurs sont déchirés et auraient sans doute préféré que cette Coupe du monde soit jouée ailleurs.
«C’est difficile parce que c’est notre première Coupe du monde en 36 ans et on veut que ce soit parfait, a reconnu Alistair Johnston.»
De toute évidence, le défenseur n’est pas à l’aise avec la façon dont on a traité les travailleurs là-bas et il se contera surtout d’être un bon invité.
«Nous serons respectueux, mais nous voulons aussi faire valoir nos valeurs là-bas.»
Valeurs
Au yeux de Johnston, l’occasion est belle pour faire rayonner l’ouverture d’esprit typique des Canadiens.
«Il y a des problèmes moraux et ça entre en conflit avec ce en quoi on croit au Canada et on y pense.
«C’est une belle occasion de démontrer ce qu’est le Canada et les valeurs que nous y préconisons.»
Comme l’a dit Samuel Piette, c’est un voyage d’affaires et il y a très peu de chance qu’il se répète par la suite.
«À moins que j’aie un gros coup de cœur, ce n’était pas sur ma liste de vacances et je ne pense pas que je vais y retourner», a soutenu le milieu de terrain québécois.