Pour de plus en plus de Français, l’approche des fêtes de fin d’année est vécue comme une angoisse. 51 % d’entre eux se disent en effet stressés par rapport aux fêtes, selon un sondage Ifop pour Voyage Way, soit 4 points de plus qu’en 2021 et 12 points de plus qu’en 2020. Si, au cours des dernières années, cette angoisse pouvait en partie être liée à la crise du Covid-19, cette année, c’est bel et bien l’inflation qui est au cœur des préoccupations.
Dans ce contexte, la part des Français stressés par les fêtes monte à 64 % chez les ménages aux revenus modestes. En difficulté financière, 18 % des sondés n’offriront pas de cadeaux à leurs proches (+8 points sur un an), tandis que le budget moyen alloué à ce poste de dépense sera en baisse de 5,4 % (386 € en moyenne). Quant aux festivités, 71 % des Français prévoient de réduire leurs dépenses liées au repas de Noël.
Prix en hausse, pouvoir d’achat en baisse
Et cela n’est pas sans jouer sur le moral des Français qui, parmi ceux qui n’offriront pas ou peu de cadeaux, sont 43 % à ressentir un sentiment de honte ou de culpabilité, selon un autre sondage Ifop pour Dons Solidaires. 27 % des parents craignent également de ne pas pouvoir servir un « bon repas » à leur famille pour Noël (+5 points par rapport à 2019).
Il faut dire que la hausse du prix des jouets n’est pas qu’un sentiment (partagé par 9 Français sur 10), c’est une réalité. Les jeux et jouets ne sont pas épargnés par l’inflation, qui s’établit autour des 6 % pour ce genre de produits. Si 51 % des sondés reconnaissent qu’ils dépenseront moins en cadeaux cette année, ils sont aussi 49 % à vouloir s’orienter vers l’occasion dans ce contexte.
Des fêtes à l’impact environnemental certain
Souvent forcée, parfois choisie, la sobriété menace donc la magie de Noël. Pour l’Agence de la transition écologique (Ademe), c’est l’occasion d’évoquer un thème souvent ignoré de la période des fêtes : l’écologie. En effet, « moins d’un Français sur cinq pense à l’écologie au moment des fêtes. Pourtant, avec les cadeaux, les emballages, les repas, etc., les fêtes de fin d’année ont des impacts écologiques importants », indique l’organisme qui, pour la première fois, publie une étude concernant ces impacts.
Ainsi, si « 72 % des Français accordent de l’importance à ces fêtes […] seuls 41 % associent les fêtes de fin d’année à une période à fort impact environnemental ». Or, certaines pratiques qui permettraient de réduire la facture écologique des fêtes sont encore assez peu acceptées, constate l’Ademe. L’agence signale que 57 % des émissions de gaz à effet de serre des fêtes sont à mettre sur le compte des cadeaux (avec par exemple, 39 % de présents textiles et 19 % de jouets), que 83 % des repas sont préparés en quantité excessive à fort apport carné, ou encore que la réduction des décorations lumineuses est mal perçue.
Le sapin est, lui aussi, un cas d’école pour l’Ademe, sachant qu’il s’en vend 6 millions par an et qu’il représente 52 % des émissions d’équivalent CO2 du poste décorations. Opter pour un sapin local, labellisé, en pot (et donc replantable) est la meilleure solution, lorsque c’est possible. Idem côté déchets et emballages. Avec +12 % d’ordures ménagères, +20 % de bouteilles en verre, +15 % d’emballages et quelque 20 000 tonnes de papier cadeau consommées chaque année, l’Ademe encourage à mieux prendre en compte ces critères durant la période des fêtes (et à utiliser des emballages cadeaux réutilisables, en tissu par exemple).
Enfin, côté cadeaux, il est important d’éviter le gaspillage, sachant que « 27 % des Français déclarent avoir reçu des cadeaux qu’ils n’utilisent jamais« , soit 12 millions de cadeaux inutiles par an. Près d’un million d’entre eux seraient même immédiatement mis à la poubelle. Dès lors, l’Ademe préconise de privilégier les cadeaux utiles, plus écolos, dématérialisés, en moins grand nombre mais de meilleure qualité, voire de seconde main. « Le marché de l’occasion est en plein développement et les Français sont de plus en plus nombreux à y avoir recours tout au long de l’année », précise l’agence. Et quand on sait que 70 à 80 % de l’impact écologique d’un produit s’enregistre sur sa phase de fabrication, c’est un levier important pour limiter les pollutions.
Le jouet de seconde main a la cote
Et cela se concrétise en chiffres : 48 % des parents envisagent d’acheter au moins un jeu/jouet d’occasion pour Noël, selon une étude de Junior City pour King Jouet, citée par Capital. Un marché du jouet d’occasion que les grandes plateformes internet ont clairement fait décoller, que ce soient les habituels eBay et Leboncoin, mais aussi Vinted qui — bien que spécialisé dans l’habillement — regorge d’offres de jouets et de livres d’occasion. On y retrouve les offres catégorisées en fonction du type (jeu de construction, jeu vidéo, puzzle, jeu de société, etc.), que l’on peut trier par marque, prix, état ou distance géographique. Distance qui n’est d’ailleurs plus un frein aussi fort qu’il y a quelques années avec le développement impressionnant des systèmes de livraison alternatifs à La Poste, tels que Mondial Relais ou Colis Privé.
Certaines boutiques physiques spécialisées dans les produits de seconde main ont, également, développé une offre riche en jeux et jouets. Leur avantage ? Une certaine expertise et une vérification préalable, ce qui permet de s’assurer que la notice est bien présente ou qu’il ne manque aucune pièce. Mais ce qui frappe, c’est que le phénomène touche les grandes enseignes du secteur, forcées à se réinventer par la concurrence toujours plus forte des géants de la distribution en ligne. Pour elles, l’occasion est vue comme un nouvel eldorado, surtout que leurs clients sont en quête d’une consommation plus éthique. C’est ainsi que l’on voit Joué Club, Oxybul ou encore King Jouet proposer des jouets et jeux d’occasion.
Oxybul propose par exemple la plateforme IDTroc, qui permet de revendre ses jouets pour alimenter des comptoirs réservés à la seconde main en boutiques. King Jouet a, de son côté, lancé King Okaz, des entrepôts dont au moins 30 % de la surface de vente est dédiée à l’occasion. King Jouet qui rachète les jouets pour alimenter ses étagères, vérifiant et réparant si nécessaire les jeux avant de les remettre en vente. Le vendeur est, quant à lui, rémunéré en bons d’achat. La démarche de Joué Club est, elle, un peu plus timide, les périodes d’achat/vente d’occasion étant encore limitées dans le temps. Mais nul doute qu’avec suffisamment de stock et de demande, cela s’imposera comme une activité à part entière de l’enseigne.
À ces acteurs s’ajoutent les associations et autres municipalités qui s’engagent pour l’économie sociale et solidaire. Entre dépôts Emmaüs et bourses aux jouets, la filière n’en finit plus de voir son offre de produits d’occasion s’étoffer, et plus seulement en direction d’une clientèle défavorisée, loin de là. Le développement de la filière jouet du REP (un dispositif qui engage la responsabilité des producteurs) devrait, à elle seule, déboucher sur la collecte et la remise sur le marché de 33 000 tonnes de jeux et jouets en 2024.
Une tendance qui s’installe
Si ce mouvement s’amplifie, il n’est pas nouveau et, en réalité, l’année dernière déjà des études indiquaient que les cadeaux d’occasion seraient très nombreux au pied des sapins. Un sondage Kantar pour eBay estimait que 53 % des Français étaient prêts à offrir un cadeau de seconde main en décembre 2021, 64 % chez les 16-24 ans. À l’époque, Leboncoin avait enregistré un doublement de son trafic sur la catégorie jeux et jouets en novembre, pour un nombre d’annonces déposées en hausse de 42 %.
Petit à petit, des comportements plus sobres s’imposent donc dans les mœurs et sont plébiscités par les jeunes, globalement plus concernés par la problématique du climat, mais aussi plus fragilisés par l’inflation.