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À quelques heures du début de la Coupe du monde de football organisée pour la première fois dans le monde arabe, les Qataris oscillent entre excitation et une fierté inflexible face aux critiques faites à l’évènement. Reportage dans les rues de Doha.
« C’est un sentiment extraordinaire. J’avais quinze ans quand j’ai regardé la cérémonie d’attribution. Je me souviens de l’explosion de joie lors de l’annonce. Et maintenant, la Coupe du monde a lieu au Qatar« , se réjouit Aïssa al-Khaldi, qui, comme beaucoup de Qataris, se rappelle de l’endroit exact où il se trouvait quand son pays est devenu officiellement pays-hôte de la compétition en 2010.
Ce jeune homme de 27 ans se définit comme un « fan de foot absolu ». Maillot et casquette du Qatar sur les épaules, il sirote un jus de fruit en terrasse dans le souk Waqif, le « marché debout », centre séculaire de la ville.
Aïssa est heureux en cette veille de Coupe du monde. Il a obtenu des billets pour les trois matches du Qatar, dont celui inaugural qui a lieu dimanche 20 novembre face à l’Équateur. Il est optimiste sur les chances de son pays de sortir de son groupe relevé avec la présence des Pays-Bas et du Sénégal. Mais, réaliste, il voit tout de même l’Argentine aller en finale contre une équipe européenne. « Pourquoi pas contre la France », sourit-il fair-play.
L’ambiance repose sur les supporters étrangers
Pour le moment, il goûte surtout son plaisir de l’ambiance qui monte dans le souk, au milieu des drapeaux installés un peu partout. Sous l’œil bienveillant de la sécurité, quelques groupes de supporters étrangers viennent animer le marché. Des Argentins entonnent haut et fort des chants auxquels des Portugais, des Brésiliens et des Croates répondent. Un peu plus loin, un Saoudien a cousu son drapeau avec celui du Maroc, de la Tunisie et du Qatar pour célébrer l’amitié entre les quatre nations arabes qualifiées pour ce premier Mondial au Moyen-Orient.
Les Qataris sont plus réservés. Ils observent les scènes d’un air amusé tout en évitant pour la plupart de répondre aux questions. Les enfants n’ont pas cette timidité. Des étoiles dans les yeux, ils parlent de leurs espoirs pour cette Coupe du monde.
« En organisant cette Coupe du monde, on fait partie des grands », estime Jalalah, 10 ans. « Je veux que le Qatar gagne. »
« C’est une grande réussite pour le Qatar et les Arabes du Golfe. J’espère que ce sera la plus belle Coupe du monde de tous les temps », renchérit Ali, son frère jumeau, qui soutient également le Brésil de Neymar.
Reste que pour les adultes, les critiques qui pleuvent sur le Qatar depuis l’attribution de la 22e Coupe du monde reste en travers de la gorge de beaucoup.
« Dans chaque pays, il y a des problèmes. »
À l’image de Aïssa : « Beaucoup doutaient de notre capacité à organiser un tel évènement par rapport à notre petite taille mais nous avons relevé le défi. On a des infrastructures exceptionnelles. Je n’ai aucun doute sur le fait que ce sera une grande réussite pour le Qatar », loue le jeune homme qui invite les Européens à se concentrer sur leurs situations plutôt que de juger son pays.
« C’est vrai qu’il y avait un problème concernant les droits des travailleurs étrangers mais c’était avant car aujourd’hui la situation s’est améliorée », justifie le fervent supporter du Qatar. « Dans chaque pays, il y a des problèmes. »
Vêtu de la thobe et du izar – la chemise et le pantalon blancs traditionnels – et coiffé du ghutra, Suhaim Althain 31 ans ne dit pas autre chose. Si ce responsable de relations internationales d’une entreprise n’est pas aussi fanatique qu’Aïssa en matière de football, il a l’intention de profiter au maximum de la compétition. Il a acheté des places pour huit matches dont le Qatar – Équateur inaugural. Mais celui qu’il attend le plus, c’est Argentine – Mexique avec la promesse de voir en action des supporters passionnés.
« Cette Coupe du monde est une réussite pour tout le monde arabe »
Tout en savourant sa boisson fraîche, il prend le temps de la réflexion et de peser chaque mot quand il s’agit de répondre aux critiques qui s’élèvent contre son pays, entre impact écologique catastrophique de la compétition et respect des droits des travailleurs migrants. Il regrette une certaine désinformation et la loupe mise sur les problèmes, au détriment d’une vision globale de l’évènement.
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« Je pense que cette Coupe du monde va changer la vision que le monde a du Qatar et de toute la région : un pays qui a beaucoup à offrir, avec une culture riche et une diversité de personnes qui y vit », continue-t-il, avant d’égrener les exemples passés. « L’Allemagne a arrêté d’être associé aux nazis après avoir accueilli la Coupe du Monde (en 1974 et en 2006, nldr). L’Afrique du sud n’est plus vu comme sous-développé comme le reste du continent après le Mondial-2010. Tous les supporters sont revenus enchantés de Russie en 2018… »
« En termes de développements, notre pays a changé en accéléré ces douze dernières années. Pour accueillir la Coupe du monde, beaucoup d’infrastructures sont sorties de terre, non seulement des stades mais aussi des transports, des hébergements… Tout cela s’inscrit dans un plan à plus long terme : la vision 2030 », rappelle-t-il en évoquant ce plan lancé en 2008 par le gouvernement pour développer de manière durable le pays d’ici 2030. « Le Mondial a été un formidable accélérateur. »
« Cette Coupe du monde est une réussite pour tout le monde arabe », conclue-t-il. « Désormais, elle est là [à Doha, nldr]. On devrait commencer à se concentrer sur les matches. »
La Coupe du monde au Qatar au-delà du football :