BAGDAD | Le Parlement d’Irak a élu jeudi le Kurde Abdel Latif Rachid président de la république, première étape pour extirper le pays d’une grave crise politique, encore illustrée par des tirs de roquettes juste avant le vote.
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Ancien ministre, ingénieur hydraulique de 78 ans versé dans les questions environnementales, M. Rachid est un candidat de compromis pour un pays polarisé. Il a vu sa candidature resurgir à la dernière minute, les factions pro-Iran qui dominent le Parlement cherchant à accélérer le calendrier politique pour former un gouvernement.
Le nouveau président doit d’ailleurs désigner un Premier ministre, chiite selon la tradition, et qui sera choisi par le principal bloc parlementaire.
Depuis les législatives d’octobre 2021, le pays a vécu une impasse totale, les barons de la politique irakienne n’ayant pas réussi à s’entendre sur un nouveau président, ni à désigner un Premier ministre, malgré les marchandages interminables.
En filigrane transparaissent les luttes d’influences entre les deux pôles chiites se disputant le pouvoir: d’un côté les factions pro-Iran du Cadre de coordination, premier bloc au Parlement, de l’autre l’imprévisible chef religieux Moqtada Sadr.
Illustrant les tensions, neuf roquettes de type Katioucha se sont abattues sur la Zone verte, secteur abritant le Parlement et autres institutions gouvernementales et ambassades. Un projectile est tombé près de l’Assemblée. Ces tirs n’ont pas été revendiqués.
Ils ont fait 10 blessées, dont six membres des forces de l’ordre ou des gardes assurant la sécurité des députés, selon un responsable. Quatre civils ont été blessés par une roquette tombée sur un quartier limitrophe de la Zone verte.
«De telles attaques sapent la démocratie et piègent l’Irak dans un cycle de violence perpétuel», a déploré l’ambassadrice américaine à Bagdad Alina L. Romanowski.
Et de quatre!
Après trois tentatives infructueuses cette année, le Parlement a finalement élu le président d’Irak, fonction largement honorifique traditionnellement réservée à l’importante minorité kurde.
À l’issue d’un second tour, l’ancien ministre des Ressources hydriques Abdel Latif Rachid, issu des rangs de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), l’a remporté avec plus de 160 voix face au président sortant Barham Saleh, qui a récolté 99.
La présidence a été l’une des pierres d’achoppement paralysant la vie politique. Le poste revient généralement à l’UPK, tandis que l’autre grand parti kurde, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) gardait la haute main sur les affaires du Kurdistan autonome (nord).
Le PDK avait exigé la présidence à Bagdad. Mais il a finalement voté pour Abdel Latif Rachid, a indiqué à l’AFP un haut responsable du parti, Bangen Rekani.
«Nous avons accepté le candidat de compromis, c’est notre contribution pour sortir de l’impasse», a-t-il dit.
Dans un Irak multiconfessionnel et multiethnique, la communauté chiite, majoritaire, domine le pouvoir depuis l’invasion américaine qui renversa Saddam Hussein en 2003.
Le pays attend désormais la nomination d’un premier ministre.
«Le favori est Mohamed Chia al-Soudani», indique le politologue Hamzeh Hadad, en référence à l’ancien ministre de 52 ans, candidat du Cadre de coordination.
«Désillusion publique»
Après la démission surprise en juin des 73 députés du Courant sadriste, le Cadre de coalition est devenu le premier bloc au Parlement avec 138 députés, selon un responsable de la coalition Ahmed al-Assadi.
L’alliance regroupe les ex-paramilitaires du Hachd al-Chaabi et l’ex-premier ministre Nouri al-Maliki, rival historique de Moqtada Sadr.
Reste à savoir quelle sera la réaction de M. Sadr, qui réclamait ces derniers mois une dissolution du Parlement et des législatives anticipées.
Il a démontré ces dernières semaines sa capacité à déstabiliser l’échiquier politique en mobilisant des dizaines de milliers de manifestants dans les rues.
Cet été, la candidature de Mohamed Chia al-Soudani avait mis le feu aux poudres entre les deux camps. L’épreuve de force a atteint son paroxysme le 29 août, quand plus de 30 partisans sadristes ont été tués dans des affrontements contre l’armée et les forces du Hachd al-Chaabi, intégrées aux troupes régulières.