Il a traversé l’hiver méconnaissable, traînant son spleen sur les pistes, bien loin des succès collectionnés quelques mois plus tôt. Vainqueur en 2021 du gros globe de cristal – qui récompense le meilleur skieur au classement général de la Coupe du monde –, le Français Alexis Pinturault a terminé la saison 2021-2022 sans aucune victoire, un exercice vierge comme il n’en avait plus connu depuis plus de dix ans de présence au plus haut niveau.
« Pintu » avait fini cet exercice épuisé, physiquement et psychologiquement, au point de s’interroger sur la suite à donner à sa carrière. Après avoir publié un livre (De l’or au cristal, Marabout, 192 pages, 19,90 euros) en guise de thérapie pour verbaliser son mal-être passé – « J’avais besoin de clore un chapitre de ma vie et de repartir sur une page blanche » –, Alexis Pinturault a décidé de rechausser les skis, pour quatre hivers supplémentaires, voire plus si affinités.
Samedi 22 octobre, les skieuses lanceront, à Sölden, comme chaque année, la nouvelle saison de la Coupe du monde. Le Savoyard sera, lui, le lendemain, sur le glacier autrichien du Rettenbach, au départ du slalom géant inaugural.
« Je sens l’excitation monter », confie le skieur de Courchevel, dans un café parisien, le 11 octobre. Accompagné de sa femme, Romane, qui gère sa communication et ses relations avec les partenaires, il apparaît détendu, souriant, mais aussi lucide sur son année noire. Alexis Pinturault l’assure : le plaisir, l’un de ses moteurs, avec une bonne dose de détermination et de prise de risque, est revenu.
« Les choses étaient floues »
Au moment de tirer le bilan de la saison 2021-2022, le champion français avait vite trouvé les réponses aux questions qu’il se posait. « J’ai compris que je m’épanouissais toujours dans ce que je faisais. » Il a aussi questionné ses entraîneurs, pour savoir s’il « n’étai[t] pas à côté de la plaque », si ses sensations ne masquaient pas un retard technique rédhibitoire sur la concurrence. Ses coachs l’ont rassuré.
Le mal était ailleurs, vite identifié. Après le sacre mondial de 2021, Alexis Pinturault n’a pas pris le temps de se reposer. Au sentiment d’avoir réalisé l’accomplissement de sa vie de sportif et au relâchement naturel qui en a découlé se sont ajoutées les sollicitations des médias et des partenaires : la France attendant ce moment depuis Luc Alphand, en 1997, c’est peu dire qu’elles ont été nombreuses. « Avec l’euphorie du gros globe, je n’ai pas pris autant de repos que nécessaire. Ma principale erreur a été de me projeter trop vite dans la saison olympique, j’ai attaqué la saison [2021-2022] fatigué », analyse Alexis Pinturault.
Dès le début de l’hiver, le Savoyard sent que « quelque chose cloche », qu’il n’est pas dans le rythme. Sa cinquième place à Sölden, il y a un an, est un trompe-l’œil. Jamais il ne retrouvera au cours de l’hiver – trois podiums seulement – les qualités qui ont fait de lui le meilleur skieur polyvalent, lui, le géantiste à l’aise en slalom comme en super-G. « Je n’arrivais pas à savoir ce que je voulais faire, ce dont j’avais envie, explique-t-il aujourd’hui avec du recul. Les choses étaient floues, j’avais l’impression de suivre un mouvement. » Sans maîtrise…
Sa plus grande désillusion fut, à coup sûr, de ne pas avoir su décrocher une médaille aux Jeux olympiques de Pékin, en février, lui qui s’était accroché, course après course, à l’espoir que la forme reviendrait sur les pistes de Yanqing. Las, son meilleur résultat sur les pistes chinoises fut une cinquième place, honorable cependant au regard de sa condition physique du moment. Alexis Pinturault quittera la Chine en pleurs, contre les épaules des coachs de l’équipe de France. « Tout ce que j’ai vécu, je ne pensais jamais le vivre. Je ne comprenais pas comment ça pouvait m’arriver, se remémore-t-il. Cela m’a appris à davantage écouter mon corps. »
Le mal est plus profond que lors du « fiasco », comme il le décrit dans son livre, qu’il avait connu aux Mondiaux de Saint-Moritz en 2017 (aucune médaille), saison lors de laquelle il avait tout de même signé quatre victoires en Coupe du monde. Son « coup de blues » était alors temporaire.
« Le gros globe, une utopie »
Pour ouvrir un « nouveau chapitre » de sa vie de sportif, le skieur français a retrouvé une vieille connaissance : Stéphane Quittet. L’ancien responsable du groupe technique des Bleus (2007-2016) remplace l’entraîneur fédéral Xavier Munier au sein de la cellule personnelle d’Alexis Pinturault. Il lui apportera sa science de la préparation mentale, à laquelle le Français n’a eu recours jusque-là que de manière ponctuelle.
A 31 ans, le skieur de Courchevel n’a plus de temps à perdre. En février 2023, la station de Courchevel, où la famille Pinturault possède depuis trois générations plusieurs hôtels haut de gamme, organise les Championnats du monde de ski alpin – les épreuves féminines auront lieu à Méribel. Une occasion unique de briller à domicile.
Et l’homme aux 34 victoires en Coupe du monde (palmarès inégalé en France) se laisserait bien une dernière chance olympique, dans moins de quatre ans aux Jeux d’hiver de Milan-Cortina (Italie). Un retour dans les Alpes qui n’est pas étranger à la volonté de Pinturault de prolonger jusqu’en 2026, lui qui n’a participé à des JO que dans des lieux éloignés du berceau du ski (Sotchi, Pyeongchang et Pékin).
En attendant, le Français ne se fixe aucun objectif pour l’hiver. « Le gros globe, c’est une utopie. Je sors d’une année difficile, il faut que je me reconstruise. » D’autant plus que la saison, arithmétique du calendrier de la Coupe du monde oblige, semble promise aux skieurs spécialistes de vitesse polyvalents plutôt qu’aux techniciens à l’aise en super-G. Toutefois, très vite dans la discussion, « Pintu » ajoute, petit sourire en coin, qu’il aimerait bien venir troubler le duel annoncé entre le Suisse Marco Odermatt, lauréat en titre du classement général, et le Norvégien Aleksander Aamodt Kilde, son dauphin en 2022. L’orgueil du champion, à n’en pas douter. Signe, peut-être, que l’envie est bel et bien revenue.
Ski-cross : Megève et les Deux-Alpes annulées par manque de neige
Sale temps pour les Coupes du monde en France. L’étape prévue aux Deux-Alpes les 4 et 5 novembre qui devait lancer la saison de skicross a été annulée. La faute à des « conditions météorologiques en haute altitude [qui] ne permettent pas d’envisager sereinement l’organisation », avance avec euphémisme, dans un communiqué, la station iséroise, dont les pistes sont toujours vierges de neige en cette veille de Toussaint. Pour les mêmes raisons, les épreuves de snowboardcross, programmées les 29 et 30 octobre aux Deux-Alpes, ont, elles, été reportées au premier week-end de décembre.
Megève figurait également au calendrier de la Coupe du monde de skicross, les 28 et 29 janvier 2023. Mais à cause du déficit d’eau dû à la sécheresse estivale, la station haut-savoyarde a préféré jeter l’éponge dès septembre pour ne pas hypothéquer les besoins en neige de culture pour la saison hivernale.