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« Ainsi sont faites les lianes », un thriller pour éclairer la réalité complexe de l’est de la RDC

« Ainsi sont faites les lianes », un thriller pour éclairer la réalité complexe de l’est de la RDC


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« Pour moi, l’histoire du Congo est en soi un thriller, une intrigue, un mystère ; de la traite négrière à l’indépendance, en passant par la colonisation, elle est pleine de rebondissements », déclare Godefroy Kahambo Mwanabwato. C’est donc sous la forme du thriller qu’après un premier roman et un recueil de nouvelles, l’écrivain de 36 ans a décidé d’aborder la situation dans l’est de son pays natal, la République démocratique du Congo (RDC).

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Pour avoir grandi successivement à Kindu, Kisangani et Goma, Godefroy K. Mwanabwato a vécu dans sa chair l’angoisse, l’instabilité et l’incompréhension que peuvent éprouver les populations civiles prises en otages par des conflits à répétition. Jeune adulte, militant politique du mouvement Lutte pour le changement (Lucha) entre 2015 et 2017, qui exigeait le respect de la Constitution et plus de liberté, il a connu la prison. Ainsi sont faites les lianes, son troisième livre, puise dans ces différentes expériences mais les transforme et sans doute les transcende grâce au pouvoir du genre littéraire qu’il a choisi.

Les ingrédients en sont la peur, le suspense, l’action, le crime, la mort et les personnages : des tueurs sans pitié et un héros en quête de vérité. En nous plongeant dans l’atmosphère suffocante d’une cellule de Makala – la tristement célèbre maison d’arrêt de Kinshasa –, les premières pages du livre plantent le décor. Un prisonnier du nom d’Ambroise Ngbokoso y est convoqué en pleine nuit par l’un de ses codétenus, Zachée Diangenda, qui jouit du statut particulier de « mfumu » (maître, roi), auquel ne semblent résister ni les gardiens ni les serrures.

« Recréer l’Etat Kongo »

Depuis sa cellule VIP, il prépare son évasion ainsi que celle de ses partisans et propose à Ambroise de s’enfuir dans son sillage.  « Je mène un combat qui ambitionne de redessiner les frontières de notre pays et celles de ses voisins. Je dois recréer l’Etat Kongo. Je dois rétablir la nation Kongo dans ses droits. Nous n’avons rien à voir avec le projet du Congo tel que conçu par les étrangers », lui annonce-t-il.

Mais pour quelle raison Ambroise a-t-il été choisi, lui qui n’est même pas un disciple du maître ? C’est ce qu’il va chercher à comprendre en se remémorant différents moments de sa vie jusqu’à son incarcération. L’auteur opère alors un large flash-back au cours duquel les destins de nombreux protagonistes vont s’entremêler.

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Il y a ces deux enfants livrés à eux-mêmes après avoir survécu à un massacre dans leur localité. Il y a aussi Michel, grand reporter français parti passer des vacances en Tanzanie avec Julie, sa compagne photographe en quête de beaux paysages et de faune sauvage. C’est alors Ambroise, pilote de l’air, qui doit conduire Michel et Julie vers leur destination. Mais le trio n’y parviendra jamais, car l’avion s’écrase accidentellement – et par la magie de l’écriture – en pleine forêt congolaise… tout près de la localité où se trouvent les deux enfants rescapés.

Si l’auteur tire ainsi les ficelles en coulisses, distillant avec habileté les éléments de son intrigue, on le sent néanmoins plus désireux de montrer la complexité de la situation dans le Congo oriental que de mener l’enquête ou de désigner un coupable. Tout simplement, sans doute, parce que les responsables sont légion.

Des enfants manipulés

Aussi les personnages apportent-ils différents points de vue sur la question. Selon Zachée Diagenda, les colons sont fautifs pour avoir tracé des frontières là où elles n’existaient pas : « Aucune cohérence ne peut naître d’un projet d’Etat conçu par autrui sur un espace sans vocation à le devenir et qui aura été repris par d’autres personnes que ses concepteurs. »

Michel, le reporter, livre une autre interprétation : « Celui qui perd la guerre est accusé de tous les maux du pays. Il suffit de la remporter pour se voir disculpé des atrocités commises et couronné de titres pompeux : héros national, libérateurs, que sais-je encore… » Julie, elle, ne veut voir la région qu’à travers le filtre de la beauté de la nature. Quant aux enfants, ils représentent l’innocence et font l’objet malgré eux de manipulations.

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« Qu’est-ce que le Congo, au juste ? Comment définir cet immense espace dans lequel nous voyons au fil des âges et au rythme des successions au pouvoir des gagnants et perdants potentiels ? », se demande avec ironie l’un des personnages. Sous le couvert d’un roman policier, Ainsi sont faites les lianes tente de répondre avec originalité à cette question. « C’est une fiction que je place dans des contextes historiques et géographiques réels », souligne Godefroy K. Mwanabwato. En somme, un thriller pour démêler les lianes inextricables de la réalité des Grands Lacs.

Ainsi sont faites les lianes, de Godefroy K. Mwanabwato, éd. Les Lettres mouchetées, 196 pages, 17 euros.

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