Brillant violoncelliste, mais aussi chanteur, compositeur, improvisateur et provocateur d’affinités entre des mondes musicaux supposés étrangers l’un à l’autre, Abel Selaocoe présente en solo, le 19 novembre, à l’Auditorium de Lyon, son premier album, paru sur le label Warner Classics, le magnifique et singulier Where Is Home (Hae Ke Kae). Le musicien sud-africain, installé en Grande-Bretagne, y rapproche avec un naturel et un talent époustouflants des œuvres des compositeurs Jean-Sébastien Bach et Giovanni Benedetto Platti des chants traditionnels de sa terre natale, interprétés essentiellement dans sa langue maternelle, le sesotho, ainsi que ses propres compositions et improvisations. Il ose un répertoire où fusionnent musique baroque et « la voix de [ses] ancêtres », les deux sources cardinales de son inspiration, de sa raison d’être musicien.
Abel Selaocoe emballe tous les publics sur scène, qu’il se produise en solo, avec des groupes (dont le trio Chesaba) ou en tant que soliste dans des orchestres symphoniques. Il jouait, fin octobre, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, où nous l’avons rencontré. Souriant, les yeux pétillants de la joie d’être là, à parler de sa musique avant de l’offrir au public qu’il va embarquer en deux coups d’archet dans ses vagabondages et faire chanter en chœur, il se résume lui-même par une formule concise : « Je suis un musicien contemporain de culture africaine. »
Né le 4 mars 1992, il a grandi à Sebokeng, un township situé au sud de Johannesburg, dans une famille modeste (père mécanicien, mère femme de ménage). Avant que ses doigts ne se posent sur un violoncelle lorsque, sur les conseils de son frère aîné, lui-même joueur de basson, il rejoint un programme de formation musicale destiné aux enfants des cités, la voix a été son premier instrument, à l’église ou à la maison. Tout en écoutant des cassettes de musique classique que son frère enregistre à la radio, il apprend la musique à l’oreille avant de savoir la lire, « comme un enfant curieux qui cherche à imiter ce qu’il entend ».
Connexions et points communs
Après avoir décroché une bourse pour le St John’s College de Johannesburg, il en obtient une seconde pour intégrer un conservatoire en Europe, le Royal Northern College of Music de Manchester. Partir pour l’Angleterre ne lui fait pas peur : il a 17 ans, la niaque et l’enthousiasme de la jeunesse. « Nous rêvions tous de lieux au-delà des mers. Je voyais l’Europe comme la Mecque de la musique classique. J’étais excité à l’idée de partir et de jouer de la musique baroque là-bas en emportant la musique de mes racines. »
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