La confrérie de la Macarena a attendu qu’une nuit épaisse enveloppe Séville et que les portes de la basilique du même nom soient fermées aux fidèles pour procéder, dans la plus grande discrétion, à l’exhumation des restes du général putschiste Gonzalo Queipo de Llano, dans la nuit de mercredi 2 à jeudi 3 novembre.
Depuis sa mort, en 1951, ce militaire sanguinaire, responsable de la mort de près de 45 000 personnes en Andalousie durant la guerre d’Espagne (1936-1939), occupait une place de choix dans l’église, au pied de l’autel dédié à Saint-Joseph. Il y était honoré aux côtés de son épouse, ainsi que de l’auditeur militaire Francisco Bohorquez, l’un des principaux collaborateurs de la terrible répression infligée par les nationalistes aux républicains dans le sud de l’Espagne.
Après des années de lutte des associations mémorialistes pour mettre fin à cette offense aux victimes, les trois dépouilles ont finalement été sorties de la basilique et remis à leurs familles, en application de la nouvelle loi de « mémoire démocratique », portée par le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez. Entrée en vigueur le 21 octobre, celle-ci établit que « les restes des dirigeants du coup d’Etat militaire de 1936 ne pourront pas rester inhumés dans un lieu prééminent d’accès public, autre qu’un cimetière ».
« L’impunité est terminée »
Sur le parvis de la basilique, alors que le fourgon mortuaire quittait les lieux aux alentours de 2 heures du matin, les descendants du général n’ont pas hésité à lancer, devant les quelques caméras présentes sur les lieux, « Viva Queipo ! ». Deux mots reçus comme un coup de poignard par la présidente de l’association Nuestra Memoria, Paqui Maqueda, arrière-petite-fille de victimes, venue en pleine nuit assister à ce « moment historique ». « Honneur et gloire aux victimes du franquisme, leur a-t-elle rétorqué. Aujourd’hui, à Séville, une dette historique envers les victimes est soldée. L’impunité est terminée. »
Comme pour Franco – dont les restes ont été sortis de la basilique du Valle de los Caidos, près de Madrid, en 2019 –, la présence de la dépouille d’un criminel de guerre dans un lieu de culte avait provoqué de nombreuses controverses, ces dernières années, à Séville. Mais il a fallu que la loi l’y oblige et que le gouvernement lui envoie une lettre, le 27 octobre, lui enjoignant de retirer sa dépouille « dans les plus brefs délais », pour que la confrérie mette fin à cette offense aux victimes.
La liste des crimes de Queipo de Llano, proche du dictateur Francisco Franco, est pourtant longue et bien connue. Surnommé le vice-roi d’Andalousie, il est considéré comme l’un des principaux responsables du massacre de la Desbandada, quand près de 5 000 civils ont été tués, alors qu’ils fuyaient la ville de Malaga, tombée aux mains des nationalistes.
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