Faut-il en rire ou en pleurer ? Jeudi après-midi, deux citoyens déclaraient avoir vu un individu franchir, en parapente, une clôture frontalière entre le Maroc et Melilla. Une vidéo circule sur les réseaux sociaux. On pourrait en sourire si l’on considérait la scène comme un happening aérien de nature à rappeler, avec élégance, la problématique quotidienne des migrations contrariées aux portes de l’enclave espagnole en terre africaine.
Un « happening » ? Le doute est permis, le parapentiste s’étant enfui après avoir atterri. Les autorités espagnoles le soupçonnent en tout cas de vouloir se rendre en Europe. Pour autant, l’identité, la nationalité et la localisation actuelle de la personne en question restent inconnues, ce qui renforce le panache de ce migrant volant et alimente le bouche-à-oreille amusé qu’il a suscité.
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La scène, virale, pourrait pourtant faire pleurer quelques jours après une publication de la cellule d’enquête Lighthouse Reports – qui regroupe plusieurs titres de la presse internationale – revenant en détail sur la mort de 23 migrants, le 24 juin dernier, et sur la responsabilité présumée de l’Espagne dans ce drame arrivé à sa frontière avec le Maroc.
A man paraglides across the Spain-Morocco border in Melilla, the latest surreal example of the absurdities of the modern asylum system.
This year, dozens of Sudanese refugees died at this same border, while Spain (and the EU) spend millions on new tech and constructing fences. pic.twitter.com/KvKtWleBZS
— Sam Edwards (@SamShepEdwards) December 5, 2022
Ceuta et Melilla, nœuds gordiens
C’est sur la même scène que cet anodin vol en parapente que s’était déroulée la tragédie la plus meurtrière connue aux frontières terrestres de l’Europe. Une tentative de passage en force d’une centaine de clandestins avait dégénéré en une bousculade gérée à grands renforts de gaz lacrymogènes superflus par des agents marocains et espagnols à la violence débridée envers des migrants attachés en plein soleil pendant plus de trois heures. Et ce, au mépris du droit de demander l’asile. Le tout aggravé d’une tendance à se renvoyer la balle des responsabilités de part et d’autre de la frontière…
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Même si le passage en parapente ne semble pas, pour l’instant, relever d’une démonstration destinée à communiquer sur la cause de ceux qui tentent de passer la frontière au péril de leur vie, il rappelle les nœuds gordiens que constituent les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla – seuls territoires où l’Europe et l’Afrique partagent une frontière terrestre – dans le phénomène migratoire illustré, par ailleurs, par les tragédies survenues en Méditerranée. Le ministère espagnol de l’Intérieur indique que près de 30 000 clandestins seraient entrés en Espagne par voie terrestre ou maritime, en 2022 et notamment 1 300 par Melilla.