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à Londres, les adieux au roi Roger Federer

à Londres, les adieux au roi Roger Federer


Roger Federer (à gauche) à l’issue de son dernier match en double avec Rafael Nadal, à l’O2 Arena de Londres, le 23 septembre 2022.

L’histoire ne retiendra pas l’issue du 1 750e et dernier match professionnel de Roger Federer, mais les images, elles, ne s’effaceront pas de sitôt. A commencer par ces longues minutes où, passés les douze coups de minuit sonnés par Big Ben, vendredi 23 septembre, on vit le Suisse partager des interminables sanglots avec Rafael Nadal, assis à ses côtés.

Après un quart de siècle sur le circuit, le maître de cérémonie avait imaginé le casting idéal en guise de bouquet final, à Londres : disputer un ultime double avec l’Espagnol, dix-huit ans après le premier de leurs 40 face-à-face. Pour décor ? « Sa » Laver Cup, l’exhibition qu’il a lancée en 2017 sur le modèle de la Ryder Cup en golf, où, pendant trois jours, les meilleurs joueurs européens défient non pas les seuls Américains, mais « le reste du monde ».

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Comme Björn Borg et John McEnroe, les deux capitaines de la compétition, le contraste stylistique entre le droitier et le gaucher restera gravé dans l’histoire du jeu. L’élégance, le talent « inné » (du moins en apparence) et le sang-froid travaillé pour Federer. La démonstration de force tout en biceps, le travail sans relâche et les nerfs de guerrier pour Nadal.

Deux rivaux devenus « amis » qui finissent coéquipiers, la conclusion était parfaite et le coup marketing aussi. Depuis deux jours, la bromance était habilement mise en scène, les deux joueurs multipliaient les mots doux et les sourires complices devant les objectifs et les caméras. « Ce sera lui le boss vendredi », avait averti le Suisse la veille. « L’un des joueurs, si ce n’est LE joueur le plus important dans ma carrière », le flattait en retour le Majorquin. Samedi aux aurores, les yeux du cadet (36 ans) étaient encore rougis : « Faire partie de ce moment historique pour notre sport a été difficile à gérer et riche en émotions. Roger qui quitte le circuit, c’est une grande partie de ma vie qui s’évapore. »

Au soir de son jubilé, Roger Federer n’avait plus les jambes pour disputer un match en simple, mais à 41 ans, l’icône a montré qu’elle avait encore un peu de magie dans sa raquette. A l’image de ce coup droit chirurgical dont la balle passa dans un trou de souris en transperçant l’extrémité de la bande du filet.

« Je suis heureux, pas triste, merci »

Qu’importe leur défaite face à la paire américaine Jack Sock-Frances Tiafoe, l’essentiel vendredi était ailleurs. « Ça a été un voyage magnifique, si c’était à refaire, je referais tout exactement de la même façon, je suis heureux, pas triste, merci », a réussi à articuler le héros de la soirée entre deux hoquets, devant tout son clan réuni, quelques glorieux aînés (Rod Laver, Stefan Edberg, Jim Courier…), ses principaux rivaux et 17 500 fans dans une O2 Arena gagnée par une effusion lacrymale collective.

Roger Federer porté en triomphe, à l’issue de son dernier match officiel, à l’O2 Arena de Londres, le 23 septembre 2022.

Facétie de la providence qui voit la grande histoire s’entrechoquer avec la petite histoire. Lundi, le Royaume-Uni enterrait sa reine ; vendredi, le monde du tennis a dit au revoir à son roi.

Des adieux que Roger Federer ne souhaitait surtout pas prendre des allures d’« enterrement ». L’ancien n° 1 mondial les avait au contraire imaginés comme un moment « festif », pas vraiment célébré dans la plus stricte intimité. Il se réjouissait d’« avoir Björn Borg sur le banc, avec tous les gars à côté. Je me suis toujours senti triste en voyant les joueurs prendre leur retraite, 90 % du temps vous perdez et vous êtes seul », disait-il mercredi en conférence de presse.

Jeudi après-midi, le temps d’un entraînement, le public eut l’impression d’avoir sauté dans une machine à remonter le temps quand apparurent sur le court les membres du « Big 4 », surnom apparu à la fin des années 2000 pour qualifier leur gloutonnerie. D’un côté du filet, Federer et Nadal, de l’autre le Serbe Novak Djokovic et le Britannique Andy Murray, 66 titres du Grand Chelem à eux quatre. Même si les 3 000 écoliers britanniques conviés ne s’époumonaient que pour « Roger, Roger, Roger ».

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Un souvenir de l’idole

A la boutique officielle de la Laver Cup, à l’entrée du stade, la file d’attente ne désemplissait pas, vendredi, pour ramener à tout prix – littéralement – un souvenir de l’idole. « Les gens sont prêts à débourser beaucoup d’argent, on a eu un fan qui a acheté 40 casquettes, raconte Kula, l’une des superviseurs. C’est assez surréaliste, mais en même temps c’est très excitant de se dire qu’on fait partie de ce moment historique. »

Trois paquets sous le bras et casquette bleu marine siglée « RF » sur la tête, Riku Takagi ressort de la boutique délesté de 350 livres sterling (environ 390 euros), mais avec le plein de t-shirts, serviettes et autre sweat-shirt. Le jeune Japonais de 21 ans, fan de « Rodgeur » depuis ses 10 ans, est arrivé spécialement de Tokyo la veille. En mai, il a déboursé 2 500 euros pour s’offrir des billets pour les trois jours. « Ce sont des souvenirs qui resteront gravés à jamais », justifie-t-il.

Sur le parvis, le matin même, la fan-zone était largement investie malgré une météo chagrine, au diapason de l’humeur du jour parmi les supporteurs de la première heure. Louper la dernière apparition du « maître » ? L’idée était impensable pour Gabriela Butler, venue d’Ittenthal (Suisse), sweat-shirt rouge et blanc et boucles d’oreilles « RF » assorties. A ses côtés, Renée Vorpel et Tani Christians, originaires respectivement de Rotterdam (Pays-Bas) et d’Anvers (Belgique), chacune plus d’une centaine de matchs comme spectatrices au compteur.

Ces trois membres de « fans4roger », autoproclamé « fan-club officiel » du Suisse, se disent « engourdies » depuis qu’elles ont appris la décision de leur champion. « On s’y attendait vu son âge mais ça reste un choc ; hier soir, en se retrouvant, on a pleuré toute la soirée », raconte Tani. « Il était à la fois classe sur le court et en dehors, spontané, plein d’humour », se remémore Gabriela. « Quand on le rencontrait, il vous donnait l’impression que vous comptiez sincèrement pour lui », renchérit Renée, qui espérait une dernière danse à Wimbledon.

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Sortie par la grande porte

Le principal intéressé aurait lui aussi rêvé d’une sortie par la grande porte, une dernière apparition sur « son » gazon béni, où il a triomphé huit fois. Ou bien des adieux à domicile à Bâle, sa ville natale (tournoi qu’il a remporté dix fois, le 103e et dernier titre de sa carrière).

Longtemps il a cru qu’il serait capable d’un ultime « come-back ». A Wimbledon début juillet, costume cravate et brushing impeccables, le Suisse avait reçu l’ovation la plus bruyante parmi la brochette de légendes venues célébrer le centenaire du Centre Court. « J’ai dit sur le terrain que j’espérais revenir encore une fois et j’étais sincère, disait-il cette semaine. Mais dix jours plus tard, le genou en était toujours au même stade, je ne voyais plus de progrès. » Un scanner passé peu après a sonné le glas. « Là, je me suis dit : OK, j’ai bien compris. Cette fois, c’est fini. »

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Vendredi, une page de l’histoire du tennis s’est tournée. Mais le jeune retraité a déjà donné rendez-vous à ses fans, que ce soit lors de prochains tournois d’exhibition ou comme invité de marque en Grand Chelem. Il en a fait la promesse : « Je ne serai pas un fantôme comme Björn Borg. »



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