« Quatre minutes d’horreur ». L’arrestation d’un Italien, âgé de 32 ans, a été validée par la justice, lundi 1er août, alors qu’il est accusé d’avoir battu à mort un marchand ambulant nigérian vendredi. D’après le journal italien Corriere della Sera, qui cite son avocate, le suspect, qui avait été immédiatement identifié et arrêté, « a coopéré, s’est excusé et a précisé qu’il n’y avait aucune motivation raciale ».
Vendredi, un Nigérian de 39 ans, Alika Ogorchukwu, a été battu à mort, en début d’après-midi, en plein centre de Civitanova Marche, une ville touristique de la région des Marches, sur la côte Adriatique en Italie. Selon la police, le suspect s’en est pris au vendeur ambulant après que ce dernier a voulu lui vendre, ainsi qu’à sa compagne, avec « insistance » des mouchoirs, avant de leur demander « de la monnaie ».
Le Nigérian, handicapé et équipé d’une béquille, « est venu vers nous et nous a demandé de l’argent, il m’a pris par le bras », a expliqué l’amie du suspect à la presse italienne. Selon elle, elle s’est dégagée rapidement de son emprise, le comportement du vendeur n’étant ni insistant ni harcelant. Le couple se dirige vers une proche boutique de vêtements, le suspect préférant attendre dehors, raconte la femme de 45 ans.
Un crime et une indifférence racistes ?
Selon des images de l’agression circulant sur les réseaux sociaux et dans les médias, le suspect s’est rué sur M. Ogorchukwu, a attrapé sa béquille, l’a frappé avec au visage, puis il s’est déchaîné contre lui, à mains nues, pendant « quatre minutes d’horreur », selon le Corriere della Sera. Une autopsie doit être conduite mardi pour déterminer les causes exactes de la mort.
Au-delà de l’attaque mortelle, c’est aussi l’indifférence dans laquelle elle s’est déroulée qui a choqué l’Italie. L’agression a eu lieu en pleine journée, dans une ville touristique, et des images existent, preuve que des passants ont assisté à la scène. Le journal italien précise toutefois qu’il n’y avait a priori pas foule à ce moment-là. Selon le Corriere, quatre personnes étaient sur les lieux de l’agression : une touriste qui a filmé la scène dans sa globalité, deux personnes âgées et un employé italien qui ont appelé à l’aide et demandé à l’agresseur d’arrêter.
Cette absence de réaction a rapidement été mise, dans les médias italiens, sur le compte du racisme. Dimanche, l’ancien ministre de l’intérieur italien et chef de file du parti d’extrême droite la Ligue du Nord, Matteo Salvini, a estimé que ses opposants du centre et de la gauche instrumentalisaient la mort du Nigérian « [l’]accusant, [ainsi que] la Ligue et des millions d’Italiens, d’être racistes. Méprisable ». Le suspect s’est lui-même défendu de toute motivation raciste, son conseil réclamant une expertise psychiatrique censée démontrer, selon lui, une « incapacité de comprendre et de vouloir » – c’est-à-dire de se rendre compte du sens de ses actes ou d’adopter des comportements dictés par des choix autonomes et responsables – de son client.
La région dirigée depuis 2020 par un parti d’extrême droite
L’avocat de la famille de M. Ogorchukwu a fait savoir qu’il s’opposerait à cette demande. « Si l’incapacité de comprendre et de vouloir est alléguée, alors il convient de clarifier si tout a été fait pour éviter ce qui s’est passé. Je me demande : si [sa] mère, qui est [sa] tutrice, vit à Salerne, comment peut-elle le surveiller quotidiennement (…) ? Il faudra connaître toutes les responsabilités. »
L’attaque s’est déroulée alors que les politiques italiens entrent en campagne pour les élections législatives anticipées, le 25 septembre. M. Salvini a fait de l’immigration et de la sécurité ses thèmes de campagne privilégiés. La région des Marches est dirigée depuis 2020 par Francesco Acquaroli, membre du parti d’extrême droite Frères d’Italie et qui a fait ses débuts au sein du parti néofasciste Mouvement social italien (MSI).
L’archevêque du diocèse de Civitanova Marche a annoncé qu’un hommage serait rendu au vendeur ambulant lors des messes du dimanche. Le maire de San Severino Marche, où habitaient M. Ogorchukwu, sa femme et une nièce, a quant à lui déclaré que la ville paierait pour les obsèques. Une collecte de fonds est également organisée par des habitants pour apporter de l’aide à sa veuve.