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Des élus municipaux se bousculent pour être candidats aux élections provinciales

Des élus municipaux se bousculent pour être candidats aux élections provinciales


Les maires et conseillers municipaux sont nombreux à se porter candidats aux élections provinciales cette année. Et ce n’est pas un hasard : leurs candidatures sont de plus en plus attrayantes pour les partis provinciaux.

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On compte déjà 46 candidats aux élections provinciales cet automne comptant une expérience en politique municipale, passée ou actuelle, selon une analyse de notre Bureau d’enquête.

C’est déjà un peu plus qu’en 2018 (43) et leur nombre pourrait encore augmenter d’ici septembre puisque, jusqu’ici, un peu plus de 400 des 625 candidats qui composeront les équipes des cinq partis représentés à l’Assemblée nationale ont été annoncés.

On remarque notamment six maires actuellement en poste et six conseillers municipaux.

S’ils sont élus, des municipalités devront retourner aux urnes puisqu’il est interdit depuis 40 ans d’occuper ces deux fonctions simultanément.

Rôle valorisé

« La scène municipale a longtemps été l’enfant pauvre électoral, explique Danielle Pilette, spécialiste de la politique municipale à l’UQAM. Mais maintenant ce n’est plus vrai, au contraire, c’est très valorisé et attrayant. Il y a de très bonnes candidatures au municipal qui risquent fort d’être recrutées. »

Des changements sont effectivement survenus ces dernières années, à commencer par la professionnalisation de la fonction d’élu municipal, souligne l’experte. En 2017, une loi a reconnu que les villes sont des gouvernements de proximité et a augmenté leurs pouvoirs.

« Il y a de plus en plus d’élus à temps complet et ça a été favorisé par le fait qu’on a aboli vers 2017 le plafond de rémunération. Donc les élus s’investissent davantage à plein temps », poursuit Mme Pilette.

Les villes sont davantage autonomes financièrement et influentes.

« Ces élus locaux sont plus disponibles et plus présents sur le terrain et leur savoir devient plus transférable [à d’autres paliers de gouvernement]. »

Des vedettes locales

Selon le politologue à l’Université Laval Eric Montigny, certaines caractéristiques attirent plus particulièrement les partis politiques dans les candidatures municipales (voir encadré). Il y a notamment l’enracinement des candidats.

« Leur connaissance du terrain et des enjeux propres à son milieu fait que le parti peut dire que c’est une candidature locale enracinée dans son milieu », explique-t-il.

Autres éléments et non les moindres : la notoriété et l’expérience politique.

« Ce sont des gens qui sont plus connus dans leur milieu […] et ils sont pour la plupart déjà habitués d’interagir avec les médias, explique M. Montigny. Ils ont déjà un réseau, une compréhension de ce que ça implique que de faire campagne, des ressources dont on a besoin. »

« Les réseaux sociaux permettent dorénavant aux élus municipaux de soutenir une plus grande notoriété », ajoute Mme Pilette.

Impact limité

Le maire de Lévis et ancien député, Gilles Lehouillier, dit avoir été recruté par le Parti libéral en 2008 en raison de sa notoriété. Avec une vingtaine d’années d’expérience comme conseiller municipal, il avait eu l’occasion de piloter de gros dossiers avant d’être recruté dans les rangs libéraux pour l’élection de 2008.

« J’étais populaire à Lévis […] et c’est clair que la notoriété peut aider à se faire élire. »

Il apporte toutefois une nuance : la zone d’influence reste limitée. « Il faut pas rêver en couleurs, même si tu as beaucoup de notoriété, j’ai toujours eu l’impression que vous pouvez influencer le vote avec votre notoriété de peut-être 8-10 % parce que malgré tout, c’est le chef du parti qui demeure la référence. »

« Si ton parti est en chute ou ton chef ne lève pas, y’a rien à faire, tes chances d’être élu sont extrêmement faibles », ajoute-t-il.

– Avec Marie Christine Trottier, Pascal Dugas Bourdon, Maude Boutet, Philippe Langlois et Nicolas Brasseur​ 

Les candidats ayant une expérience en politique municipale attirent les partis politiques, car ils possèdent cinq caractéristiques bien précises, selon le politologue Eric Montigny. Nous en avons discuté avec cinq candidats. 

VÉRONIQUE VENNE 

L’expérience politique

Ces candidats savent faire campagne. « Ils ont une organisation électorale, même minimale dans certains cas, mais ils ont une expérience politique », précise le politicologue Eric Montigny.

« Ce n’est pas mon premier rodéo », dit Philippe Pagé, qui a été élu maire de Saint-Camille, en Estrie, en 2017. « Faire du porte-à-porte, avoir des engagements, aller voir les gens… j’ai l’habitude de fonctionner comme ça ou encore de vivre avec des décisions qui ne font pas l’unanimité, gérer la critique et s’améliorer, etc. »

Vicki-May Hamm, qui a été mairesse de Magog de 2009 à 2021, a déjà une équipe de campagne expérimentée. « C’est ma cinquième campagne et la plupart des bénévoles m’ont suivie d’une campagne à l’autre et sont encore avec moi. C’est sûr que c’est un avantage […] J’ai une équipe mobilisée qui connaît bien son rôle, c’est la 4e campagne de mon agent officiel. »

L’expérience de Véronique Venne comme mairesse de Sainte-Marie-Salomé lui a permis de développer son écoute du citoyen.

« Le fait d’avoir travaillé près des gens pendant plusieurs années fait en sorte que je suis à l’aise avec le porte-à-porte, les rencontres citoyennes dans les parcs. J’ai déjà ces qualités-là, contrairement peut-être à quelqu’un qui se lance directement au national et qui pourrait être plus dans la théorie politique. »

« J’aime faire campagne […] si quelqu’un n’aime pas ça, les gens vont s’en rendre compte », ajoute Suzanne Roy. 

OLIVIER DUMAIS 

Une crédibilité pour le parti

Certains partis vont aussi vouloir lancer un message d’institutionnalisation, explique M. Montigny, qui cite le cas du maire Philippe Pagé. 

« Ça montre que le parti politique peut prendre racine en région, dit-il. Aller chercher des personnalités locales, ça démontre sa capacité à être présent dans des secteurs où on l’attendait moins. Ça envoie le message que le parti devient plus structuré, plus organisé. »

C’est aussi le cas pour Olivier Dumais, maire de Saint-Lambert-de-Lauzon et candidat pour le PCQ, qui constate que sa position de maire est un atout pour un jeune parti comme le sien.

« Quand je dis que je suis maire et que c’est ma cinquième année, ça apporte une couche de crédibilité et les gens voient que tu as de l’expérience, les oreilles s’ouvrent un peu plus, ça fait une différence […], on part avec une avance ». 

PHILIPPE PAGÉ 

L’enracinement et la connaissance d’enjeux locaux

Comme ces maires sont aussi très souvent appelés à occuper des fonctions dans leur MRC (municipalité régionale de comté), leur connaissance des enjeux et leurs réseaux ne se limitent pas aux frontières de leur patelin.

« Je connais personnellement toutes les conseillères de l’arrondissement de la Ville de Sherbrooke qui est situé dans la circonscription de Richmond, et je suis très familier avec quasiment l’ensemble des maires et mairesses du comté », illustre Philippe Pagé, maire de Saint-Camille, une municipalité de 550 habitants. 

SUZANNE ROY 

La notoriété

Suzanne Roy est la candidate caquiste dans Verchères. Elle a commencé à siéger au conseil municipal de Sainte-Julie en 1996, avant d’occuper le poste de mairesse pendant 16 ans, en plus d’avoir occupé le poste de présidente de l’Union des municipalités du Québec pendant 5 ans. 

Mme Roy ne saurait dire si la visibilité acquise à l’échelle nationale pendant les cinq années où elle a été à la tête de l’Union des municipalités du Québec lui confère un avantage. 

« Je dirais que le premier endroit où il faut avoir une notoriété, c’est dans le comté de Verchères [où elle se présente] et les gens m’ont vue agir depuis 25 ans, ils savent que je travaille mes dossiers et persiste pour faire avancer les choses. » 

VICKI-MAY HAMM 

l’expérience avec les médias

Comme présidente de l’UMQ, Suzanne Roy a multiplié les entrevues avec les médias nationaux. Aujourd’hui, avec les médias sociaux, ces candidats ont aussi appris à gérer leur image et les critiques.

« J’ai fait mes classes, explique Vicki-May Hamm. Les médias sociaux sont un outil pour les élus, mais il faut savoir s’en servir comme il faut, comment répondre à des attaques gratuites. Quand on n’est pas préparé, ça peut être difficile. »

Son expérience lui a été utile lorsque le PLQ a annoncé sa candidature. Elle a été confrontée aux déclarations de la CAQ faisant savoir qu’elle aurait souhaité rejoindre ses troupes. « J’ai appris à ne pas réagir sur le coup de l’émotion, j’ai consulté mon équipe et on a décidé de ne pas embarquer là-dedans. » 

Impossible d’être maire et député en même temps 

▶Si la loi interdit d’être à la fois maire et député, la loi permet aux maires de continuer à exercer leur fonction pendant la campagne toutefois. Le Directeur général des élections du Québec précise cependant : « il doit faire campagne en dehors de ses fonctions, sur une base personnelle. Il ne peut pas utiliser du matériel ou les services de la municipalité pour sa campagne, car cela pourrait être considéré comme une contribution politique faite par la municipalité. Au sujet du salaire, des lois lui interdisent d’utiliser des ressources de la municipalité à des fins personnelles ou à des fins autres que les activités liées à l’exercice de ses fonctions ».

►Philippe Pagé, par exemple, s’est inspiré d’Alain Rayes (ancien maire de Victoriaville avant de devenir député fédéral) et il s’est engagé à rembourser son salaire de maire à temps partiel (800 $ par mois) et celui de la MRC. Une mairesse suppléante prendra le relais pendant la campagne. Olivier Dumais, également maire à temps partiel, est encore en réflexion à savoir s’il prendra une pause complète de son travail de maire pendant la campagne. « C’est envisagé », dit-il. Véronique Venne, pour sa part, a quitté son emploi (DG du Centre régional universitaire de Lanaudière). Et dès le déclenchement des élections, elle se retirera de ses fonctions de mairesse et ne percevra pas son salaire.

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