De la France à la Roumanie, en passant par l’Allemagne et les Pays-Bas, les agriculteurs européens sont en colère et affichent leurs préoccupations : coût du carburant, normes écologiques, importations d’Ukraine… La Commission européenne, qui espère calmer la situation, doit se réunir cette semaine.
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Alors que les discussions avec le gouvernement sont dans l’impasse, les agriculteurs français poursuivent leurs actions mardi 23 janvier. Entre blocages de route et défilés de tracteurs, ils appellent à l’aide, notamment les ministres européens du secteur qui doivent se retrouver dans la journée pour désamorcer cette crise qui sévit à travers le Vieux Continent.
Cette réunion se tient avant le lancement, jeudi par Bruxelles, d’un « dialogue stratégique » avec le secteur agricole, qui redoute le Pacte vert de l’UE – visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait promis une telle initiative dès septembre, assurant qu’agriculture et protection de la nature pouvaient « aller de pair ».
Autoroutes bloquées
En France, les blocages routiers ont commencé jeudi soir en Occitanie, où l’A64 entre Toulouse et Bayonne est coupée à la circulation au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), à 45 km de Toulouse.
Dans la Drôme, l’autoroute A7 est bloquée avec des tracteurs installés sur les deux voies, occasionnant plus de quatre kilomètres de bouchons, a annoncé la préfecture de département.
L’un des blocages a pris une tournure dramatique : une agricultrice a été tuée par un véhicule qui a foncé mardi à l’aube sur un barrage routier dressé par les syndicats agricoles à Pamiers (Ariège).
Depuis lundi, l’A62 est bloquée au niveau d’Agen dans les deux sens. Les agriculteurs ont aussi déversé des pneus sur les voies ferrées à l’entrée de la gare d’Agen. Et le mouvement pourrait faire tache d’huile : les Jeunes agriculteurs de l’Oise ont annoncé à l’AFP un blocage de l’autoroute A16 mardi en début d’après-midi au niveau de Beauvais.
Premier syndicat agricole français, la FNSEA a remporté depuis plusieurs années de nombreux arbitrages auprès du gouvernement, comme sur les taxes sur l’eau ou les pesticides, mais la majeure partie des agriculteurs estiment toujours crouler sous les normes et ne pas gagner assez bien leur vie.
Parmi les multiples revendications entendues sur le terrain : des simplifications administratives, pas de nouvelle interdiction de pesticides, la fin des augmentations du prix du gazole pour les tracteurs, des indemnisations plus rapides après des calamités ou encore la pleine application de la loi censée obliger les industriels et les grandes surfaces à mieux payer les agriculteurs.
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L’Europe sous pression
À quelques mois des élections européennes, le gouvernement craint un embrasement car, des Pays-Bas à la Roumanie, en passant par l’Autriche ou l’Allemagne, les agriculteurs multiplient les actions contre les hausses des taxes et le Pacte vert qui vise à décarboner l’économie européenne.
Le mouvement a commencé il y a un peu plus d’un an aux Pays-Bas, où le gouvernement a annoncé vouloir réduire de 50 % les émissions d’azote. Il s’est ensuite étendu à la Belgique. Dans ces deux pays, les gouvernements ont dû mettre en pause un certain nombre de leurs objectifs.
En Allemagne, les agriculteurs se mobilisent massivement depuis début janvier contre la réforme de la fiscalité sur le diesel agricole, qui prévoit à partir de 2026 la suppression d’une exonération dont ils bénéficiaient.
Mais le mouvement porte aussi sur d’autres sujets de revendications. Ils protestent contre les obligations environnementales croissantes imposées au secteur, la hausse de leurs coûts de production et la charge administrative incombant à leurs exploitations.
Si les récentes manifestations évoquent des facteurs nationaux divers, les secousses se sont multipliées partout : épisodes climatiques extrêmes (sécheresse, inondations), grippe aviaire ou encore flambée des prix de l’énergie.
Autre sujet clivant : l’afflux de produits agricoles ukrainiens dans l’UE depuis la levée des droits de douane en 2022. La Roumanie, pays de 19 millions d’habitants voisin de l’Ukraine, est en première ligne. Aux quatre coins du pays, de Timisoara à la ville d’Afumati où stationnent une vingtaine de véhicules, les fermiers organisent chaque jour des opérations escargot à grands coups de klaxon.
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Au-delà des cultivateurs roumains ou polonais, les organisations agricoles appellent à restreindre ces importations (céréales, volailles, sucre…) accusées de plomber les prix – en écho aux critiques récurrentes sur les accords de libre-échange négociés par Bruxelles.
Surtout s’exprime de façon diffuse une « exaspération » commune face à une « surchauffe réglementaire », estime Christiane Lambert, présidente du Copa-Cogeca, l’organisation des syndicats agricoles majoritaires européens.
Avec AFP