Les gouvernements occidentaux ont décidé d’interdire TikTok dans leurs administrations, s’appuyant sur des rapports de leurs services de renseignement qui ne sont jamais rendus publics. Cela laisse les entreprises et les citoyens dans l’incertitude quant à savoir s’ils doivent désinstaller l’application ou non. Ce qui rend TikTok unique, c’est sa capacité à évaluer automatiquement le contenu qui plaira à l’utilisateur sans son intervention. Pourtant, en matière d’opacité de ces algorithmes addictifs, de collecte intrusive de données à des fins publicitaires, de contenus polarisants, biaisés et sensationnalistes, les applications occidentales font tout aussi bien que TikTok. Alors pourquoi cette persécution ?
Le Sénat australien a publié un rapport d’experts du renseignement sur TikTok qui ont étudié l’information disponible en chinois, consulté des archives sur quatre années, y compris beaucoup d’informations effacées depuis. Leur analyse des risques souligne que l’utilisation de nos données, très contextualisées, offre un matériau inespéré pour entraîner les modèles d’intelligence artificielle chinois, et la possibilité, avec ces mêmes données, d’obtenir un profilage des utilisateurs et de faciliter par la suite la surveillance de certains d’entre eux. Quant à l’influence, c’est une aubaine pour le Parti communiste chinois (PCC) de pouvoir exporter sa censure et sa propagande auprès de nos concitoyens accros à TikTok.
Les experts ont ainsi comparé les contenus prochinois de TikTok à ceux de Twitter, Instagram et YouTube avec une recherche par mots-clés. TikTok a ainsi renvoyé plus de contenus favorables au PCC, mais Twitter aussi. Est-ce le fruit de la modération de contenus chez TikTok, d’un réglage plus « fin » de son algorithme ou de la présence de plus de sympathisants du PCC parmi ses utilisateurs ?
Le rapport souligne que TikTok est subordonné au PCC : les développements et les opérations se font depuis la Chine, même si TikTok se dit une multinationale établie dans le monde entier, quand bien même elle l’est aux îles Caïmans. Dès qu’on est en Chine, on est soumis aux lois qui imposent la collaboration de tout citoyen et de toute entreprise avec les autorités. Les membres du PCC ont l’obligation, là où ils travaillent, de mettre en place des cellules politiques, non officielles, seulement connues d’eux.
Le défi lancé par TikTok à l’industrie des réseaux sociaux représente-t-il une menace potentielle pour les libertés fondamentales ? Cette question mérite une réponse claire et circonspecte. En effet, en tant qu’utilisateurs, nous avons le droit de savoir exactement comment nos données sont utilisées et pour quelle finalité. En outre, légitimer des interdictions de contenus sans transparence risque de mettre en péril la liberté d’expression. Il est impératif que les gouvernements européens, en particulier la Commission européenne, se penchent sur le sujet de manière approfondie et transparente, et agissent de manière réfléchie et concertée pour protéger les intérêts des citoyens et garantir leur droit à la vie privée et à la liberté d’expression.