La décision de plusieurs grands pays exportateurs de pétrole d’une réduction de leur production dès le mois de mai est présentée comme une « mesure de précaution » pour stabiliser le marché. Cette décision profite à la Russie, selon plusieurs analystes, et constitue une nouvelle preuve de la proximité entre Moscou et Riyad.
La mesure a été prise par huit membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+), pour plus d’un million de barils par jour au total. Contrairement aux coupes mises en œuvre face à la pandémie de Covid-19, ils ont préféré agir sans passer par le cadre formel de l’alliance qui nécessite l’accord de chacun, à savoir des 13 pays de l’Opep et de leurs 10 partenaires.
« L’Opep+ a décidé de tracer une ligne rouge à 80 dollars le baril de Brent », selon Stephen Innes, analyste chez SPI Asset Management. La réouverture économique de la Chine, premier importateur mondial de pétrole brut, a provoqué une forte demande. Ce regain profite particulièrement à la Russie qui « a besoin de pétrole pour financer sa coûteuse guerre en Ukraine », rappelle Bjarne Schieldrop.
La décision renforce le couple russo-saoudien, que la guerre en Ukraine n’a pas ébranlé. Au contraire, notent les experts, qui observent ce solide front commun face aux turbulences de ces derniers mois. L’Arabie saoudite et la Russie sont désormais sur un pied d’égalité: en abaissant nettement sa production, l’Arabie saoudite se rapproche du volume moindre écoulé par la Russie sous l’effet des sanctions.
Les États-Unis avaient déjà mal pris la précédente réduction annoncée en octobre. C’est là « une nouvelle provocation pour les pays consommateurs, qui sont à la peine du fait de taux d’intérêt élevés et d’une forte inflation », relèvent les analystes de DNB. Les autorités américaines ont réagi en les jugeant « pas opportunes ». Si l’Opep+ est née en réaction aux défis posés par la concurrence américaine, elle n’a désormais plus peur du pétrole de schiste produit aux États-Unis, dont la croissance s’essouffle.
Sur le plan diplomatique aussi, « l’Arabie saoudite ne craint pas les États-Unis », qui entretiennent des relations complexes avec Riyad et ont perdu de leur influence dans la région, note Neil Wilson, analyste de Finalto. « Nous assistons à l’avènement d’une nouvelle ère », dit-il, comme en témoigne le récent rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite sous les auspices de la Chine. « Les Saoudiens font ce qu’ils ont à faire et la Maison-Blanche n’a visiblement pas son mot à dire », résume-t-il.
En somme, la décision de la réduction de la production de pétrole est présentée comme une « mesure de précaution » pour stabiliser le marché. Elle profite à la Russie et a renforcé le couple russo-saoudien. Les États-Unis ont mal réagi à cette décision et ont perdu de leur influence dans la région. Selon Neil Wilson, nous assistons à l’avènement d’une nouvelle ère.