Un mois après la signature d’un accord de paix entre les rebelles et le gouvernement fédéral éthiopien, environ 65 % des combattants rebelles ont été « désengagés » des lignes de front dans la région du Tigré, a annoncé le commandant en chef des forces rebelles, Tadesse Worede, samedi 3 décembre. « Nous avons commencé le désengagement et la relocalisation de nos forces des lignes de front, ça se passe bien », a assuré à la presse M. Worede.
Le commandant a toutefois évoqué la présence de « forces dans la région qui ne veulent pas la paix et sont des obstacles à la paix », en référence à l’armée érythréenne et aux forces régionales et milices de la région Amhara, qui ont épaulé l’armée éthiopienne dans le conflit qui a débuté en novembre 2020.
« Les problèmes qu’ils créent et les abus qu’ils commettent sur la population ne sont pas secrets, nous avons donc fait une pause à certains endroits » dans les opérations de désengagement, pour éviter qu’ils « poursuivent leurs atrocités sur la population », a-t-il ajouté. Une fois ces menaces écartées, « nous ferons [un désengagement] à 100 % », a-t-il assuré. Le général Tadesse a également fait savoir que les rebelles tigréens avaient « commencé à collecter [leurs] armes lourdes et à les rassembler en un endroit ».
L’un des conflits les plus meurtriers au monde
Les rebelles tigréens et le gouvernement éthiopien ont signé, le 2 novembre à Pretoria, un accord de paix pour mettre fin à deux ans d’un conflit qui a ravagé le nord de l’Ethiopie. Cet accord prévoit notamment un désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l’autorité fédérale au Tigré et la réouverture des accès à cette région plongée dans une situation humanitaire catastrophique. Selon un document relatif à la mise en application de l’accord signé le 12 novembre à Nairobi, « le désarmement des armes lourdes [tigréennes] se fera simultanément avec le retrait des forces étrangères et non fédérales ».
Le conflit au Tigré a commencé en novembre 2020 quand le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, y a envoyé l’armée fédérale arrêter les dirigeants de la région, qui contestaient son autorité depuis des mois et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires fédérales sur place. Initialement défaites, les forces rebelles du Tigré ont repris le contrôle de la majeure partie de la région dans le courant de 2021, lors d’une contre-offensive qui a débordé en Amhara et en Afar et les a vues s’approcher d’Addis-Abeba. Les rebelles se sont ensuite repliés vers le Tigré.
Le bilan de ce conflit marqué par d’innombrables exactions, qui s’est déroulé largement à huis clos, est inconnu. Mais l’International Crisis Group (ICG) et Amnesty international le décrivent comme « l’un des plus meurtriers au monde ». La guerre a aussi déplacé plus de deux millions d’Ethiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon les Nations unies (ONU).
Les opérations humanitaires se sont amplifiées dans le nord de l’Ethiopie depuis l’accord de Pretoria, mais l’aide acheminée reste très inférieure aux besoins. « Ce processus de paix ne s’est pas encore traduit par un accès total, un accès sans entrave et une assistance médicale et sanitaire massive, dont la population du Tigré a besoin », avait déclaré vendredi le responsable des situations d’urgence à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Michael Ryan.
Les accès à certaines zones de l’est et du centre du Tigré restent restreints, avait aussi souligné le Programme alimentaire des Nations unies (ONU) le 25 novembre. Le Tigré est resté quasi coupé du monde pendant plus d’un an et est privé d’électricité, de télécommunications, de services bancaires et de carburant. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), les deux ans de conflit ont rendu plus de 13,6 millions de personnes dépendantes de l’aide humanitaire dans le nord de l’Ethiopie (5,4 millions au Tigré, 7 millions en Amhara et 1,2 million en Afar).