Dans la vraie vie, les policiers d’élite du FBI n’ont pas souvent le physique de Johnny Depp. Ils ont plutôt la dégaine de comptables en vacances à Paris avec baise-en-ville à l’épaule et baskets pour la marche. Marc Ruskin, qui a passé deux décennies à travailler comme agent infiltré pour la police fédérale américaine, ne déroge pas à la règle. On ne le remarque pas dans la rue et on peine à croire, en le rencontrant, qu’il a vécu tant d’aventures. C’est d’ailleurs sa principale qualité : être capable de se fondre dans le décor. Son autobiographie, qui vient de sortir en France, n’est pas intitulée pour rien Le Caméléon (Hugo Doc, 488 p., 19,95 €).
Voix douce et monocorde, regard bleu et précis, silhouette affûtée et souple, doigts fins, Marc Ruskin n’a pas le physique d’un caïd. Il ne faut pas se fier à cette allure de passe-muraille. M. Ruskin, aujourd’hui à la retraite et âgé de 68 ans, a « joué », au cours de sa carrière, au petit et au grand mafieux, au tradeur, au revendeur de diamants, au fournisseur de faux papiers, à l’agent secret français, etc. En tout, il a emprunté une douzaine d’identités différentes.
Il a fait mieux que Donnie Brasco, le personnage principal du film éponyme − sorti en 1997, avec Al Pacino et Johnny Depp dans les rôles principaux −, inspiré d’une histoire vraie d’infiltration de la Mafia new-yorkaise dans les années 1970. Marc Ruskin a non seulement infiltré la Mafia new-yorkaise, comme le héros de Donnie Brasco, mais bien d’autres milieux criminels. C’est cette diversité qui est sa marque de fabrique, contrairement à l’agent Joseph Pistone, le vrai Donnie Brasco, qui a fait tomber la famille Bonanno, l’une des cinq grandes familles mafieuses de New York. Marc Ruskin en tire une légitime fierté, mais pas de vanité excessive. Il y a une banalité de l’héroïsme, comme il y en a une du mal.
Américain d’ascendance française et argentine, Marc Ruskin est un drôle de mélange, très « Nouveau Monde ». Son grand-père maternel a quitté l’Alsace pour faire fortune en Argentine, où il a commencé comme visiteur de commerce. Sa mère, née à Buenos Aires, a choisi de faire des études supérieures à Paris, où elle a rencontré son mari, un Américain dénommé Ruskin, qui se formait à la médecine. Ils se marient et ont deux enfants, Marc Ruskin voit le jour dans le 17e arrondissement, en 1954. Alors qu’il est encore enfant, la famille émigre à New York. On parle français à la maison, anglais à l’école et espagnol pendant les grandes vacances, passées chaque année en Argentine.
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