Du haut de son mètre soixante-seize, elle porte un regard bienveillant sur son équipe. Celle qui se fait appeler Lous and the Yakuza (soit l’association du verlan de soul et du célèbre gang japonais) demande à sa « babe » de collaboratrice si elle a bien mangé, poursuit en même temps sa conversation au téléphone avec sa manageuse, puis suit sa petite troupe vers un café du centre parisien.
La chanteuse belgo-congolaise, qui publie le 11 novembre son deuxième album, Iota, vient de terminer une séance photo, une de celle qui s’est bien passée, qu’elle n’a pas dû interrompre parce que quelqu’un sur le plateau tenait des propos sexistes : « Ça m’est arrivé plus d’une fois », confie l’ancienne mannequin. « Je ne laisse plus rien passer, soit on sort le porc qui a tenu ces propos soit j’arrête. J’ai ce luxe, maintenant, tout tourne autour de moi, je peux me le permettre. »
« Etre noire et être une femme, ce n’est pas ce qui me définit le plus dans la vie. C’est même des détails : avoir un vagin et de la mélanine. » Lous and the Yakuza
En effet, égérie de la maison Louis Vuitton, décoratrice d’un immeuble à Bruxelles, auteur-interprète produite par El Guincho, le producteur de la star espagnole Rosalia, la chanteuse a parcouru tout l’été les scènes d’Europe et des Etats-Unis, en solo ou en première partie d’Alicia Keys, Coldplay et Gorillaz. Elle est dans la cour des grands et compte bien y rester.
Lous and the Yakuza se raconte dans son langage à elle, mélange de français soutenu et de mots crus qui tombent comme des gifles. Elle parle comme elle écrit ses chansons, des refrains pop et soul et des couplets rappés qui claquent, font ressurgir toute sa colère et sa tristesse : « Je n’arrive pas à exprimer cette énergie autrement qu’avec le rap », s’excuse-t-elle presque.
Sans logement à 20 ans
La jeune femme de 26 ans, fille d’un Congolais et d’une Rwandaise, revient sur son parcours. Elle avait fait de son identité de femme noire les combats de son premier album Gore, ça ne sera pas le cas pour le second : « Je l’ai toujours su, mais être noire et être une femme, ce n’est pas ce qui me définit le plus dans la vie. C’est même des détails : avoir un vagin et de la mélanine. Rares sont les jours où j’y pense. Certes, la société me le renvoie en permanence, mais j’ai l’impression d’avoir dit tout ce que j’avais à dire. Maintenant, il faut s’appliquer à ce que ça change. » D’abord en utilisant l’écriture pour rapporter ce qu’elle a vécu dans la rue en 2017, les personnes qu’elle y a rencontrées.
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