Dissuasion nucléaire, influence, renforcement de la coopération avec l’Allemagne, redéfinition des missions au Sahel et en Afrique de l’Ouest : le président de la République présentait, mercredi 9 novembre, la nouvelle stratégie française en matière de défense.
Emmanuel Macron a assuré que la dissuasion nucléaire française « contribuait » à la « sécurité » de l’Europe, clarifiant ainsi des déclarations récentes qui avaient semblé remettre en question cet enjeu. « Aujourd’hui plus encore qu’hier, les intérêts vitaux de la France ont une dimension européenne. Nos forces nucléaires contribuent donc par leur existence propre à la sécurité de la France et de l’Europe », a-t-il déclaré lors de son discours sur les grands enjeux stratégiques de la France à Toulon (Var). « Gardons-nous d’oublier que la France a bien la dissuasion nucléaire et gardons-nous parfois de dramatiser quelques propos », a-t-il ajouté.
Le 12 octobre, le chef de l’Etat avait jeté le trouble en déclarant sur la chaîne France 2 qu’une frappe nucléaire « dans la région » de l’Ukraine − sous-entendu : potentiellement dans des pays européens membres de l’OTAN − ne relevait pas des « intérêts fondamentaux » de la France. « Notre doctrine repose sur ce qu’on appelle les intérêts fondamentaux de la nation, et ils sont définis de manière très claire. Ce n’est pas du tout cela qui serait en cause s’il y avait une attaque balistique nucléaire en Ukraine ou dans la région », avait-il dit.
Emmanuel Macron, qui a beaucoup plaidé ces dernières années pour le renforcement de souveraineté de l’Europe en matière de défense, a aussi insisté sur l’ancrage « exemplaire » de la France au sein de l’Alliance atlantique. Il a décrit une France « respectée pour son statut doté de l’arme nucléaire, moteur de l’autonomie stratégique européenne, alliée exemplaire dans l’espace euro-atlantique, une partenaire fiable et crédible ».
L’ambition de la France, c’est d’être « une puissance au cœur de l’autonomie stratégique européenne, avec un fort ancrage atlantique mais aux avant-postes et au pivot du monde », a-t-il insisté en déroulant la nouvelle stratégie française en matière de défense et les défis géopolitiques à venir.
• « L’influence », une « fonction stratégique » de la défense
Dans un contexte de durcissement de la lutte informationnelle dans le monde, Emmanuel Macron a annoncé mercredi que « l’influence » va être érigée au rang de « fonction stratégique » dans la défense de la France. « Nous ne serons pas des spectateurs patients », assistant à la propagation de fausses informations ou de narratifs hostiles à la France, et « convaincre fait partie clairement des exigences stratégiques », a déclaré le président français, annonçant que ce combat sera doté de « moyens substantiels ».
« Il nous revient ainsi de penser la promotion » de l’action de la France, « sans orgueil, mais sans inhibition malvenue », a-t-il ajouté en présentant les priorités stratégiques de la France. La France devra savoir « détecter sans délai » ces formes de guerre hybride qui sont menées contre elle, les « entraver » et « à notre tour, mais à la manière d’une démocratie, [les] devancer, en user à notre profit dans les champs numériques et physiques ».
« Une attitude qui serait seulement réactive, voire défensive pourrait passer pour une forme de passivité, ce ne sera pas la nôtre », a ajouté Emmanuel Macron. « Aussi, l’influence sera-t-elle désormais une fonction stratégique, dotée de moyens substantiels », a-t-il dit, précisant que cela se ferait au niveau interministériel, avec « pour sa déclinaison internationale, un rôle central du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ».
• Emmanuel Macron veut « renforcer les liens avec l’Allemagne »
Le chef de l’Etat a aussi plaidé mercredi pour « renforcer les liens avec l’Allemagne » en matière de défense, espérant même des « avancées décisives dans les prochaines semaines ». Qualifiant l’Allemagne de « partenaire indispensable », Emmanuel Macron a assuré que « de l’équilibre de notre partenariat dépend (…) pour partie la réussite du projet européen ».
« Nos forces sont faites pour se combiner », a-t-il ajouté, alors que Paris et Berlin ont tenté à la fin d’octobre de relancer le moteur franco-allemand après une série de différends.
• La stratégie française en Afrique « finalisée d’ici à six mois »
Après consultations avec ses partenaires sur le continent, la nouvelle stratégie de la France en Afrique sera finalisée d’ici à six mois a annoncé également mercredi Emmanuel Macron, confirmant la fin de l’opération antijihadiste Barkhane.
« Nous lancerons dans les prochains jours une phase d’échanges avec nos partenaires africains, nos alliés et les organisations régionales pour faire évoluer ensemble le statut, le format et les missions des actuelles bases militaires françaises au Sahel et en Afrique de l’Ouest », a-t-il déclaré. « Cette stratégie sera finalisée d’ici à six mois (…). C’est indispensable et c’est une des conséquences que nous tirons de ce que nous avons vécu ces dernières années dans toute la région du Sahel », a-t-il expliqué.
L’armée française a quitté le Mali en août, après neuf ans de présence, poussée par la junte au pouvoir qui travaille désormais − même si elle s’en défend − avec le sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner. Elle reste toutefois dans la région et continue à lutter contre les groupes jihadistes liés à Al-Qaida ou au groupe Etat islamique, qui étendent progressivement leurs activités vers les pays du golfe de Guinée.
L’annonce de la fin de Barkhane est sans conséquence immédiate sur le dispositif militaire français au Sahel, qui comprend environ 3 000 militaires au Niger, au Tchad et au Burkina Faso, après avoir compté jusqu’à 5 500 hommes au plus fort de son déploiement.
« Nos interventions doivent être mieux bornées dans le temps. (…) Nous n’avons en effet pas vocation à rester engagés sans limite de temps dans des opérations extérieures », a justifié le chef de l’Etat. « Notre soutien militaire aux pays africains de la région se poursuivra, mais selon les nouveaux principes que nous avons définis avec eux », a-t-il précisé. « Il se déclinera à l’échelle de chaque pays selon les besoins qui seront exprimés par nos partenaires. »