Le Québec a longtemps été une pépinière de gardiens de but pour la Ligue nationale de hockey (LNH). Un endroit où les recruteurs des équipes trouvaient des athlètes de premier plan. Parmi eux, plusieurs ont connu de grandes carrières.
Lorsqu’on pense aux gardiens du Québec, les noms de Patrick Roy et de Martin Brodeur viennent rapidement en tête. Cependant, il ne faut pas oublier celui de Roberto Luongo, avec ses 1044 matchs et ses 489 victoires en carrière.
Évoluant avec les Panthers de la Floride, un des petits marchés de la LNH pendant plusieurs années, Luongo a eu besoin de plusieurs saisons afin d’être reconnu à sa juste valeur. Il a fait taire ses détracteurs grâce à sa médaille d’or aux Jeux olympiques et à ses prestations avec les Canucks de Vancouver.
Le 14 novembre, à Toronto, le gardien québécois recevra l’ultime honneur pour sa carrière de 19 ans dans la LNH: une place au Temple de la renommée du hockey.
On a décidé de revisiter son parcours grâce à la collaboration d’une dizaine d’amis, d’anciens coéquipiers et de membres de sa famille. Ils ont décidé de raconter leurs anecdotes au sujet du gardien. On va découvrir un athlète dévoué à son sport de la première à la dernière minute où il a été sur la patinoire.
La brillante carrière de Luongo a bien failli ne pas voir le jour. Sa vie aurait pu être différente.
Ses parents, Antonio et Pasqualina, ne roulaient pas sur l’or. Ils peinaient à joindre les deux bouts lors de certains mois. Grâce à leur résilience, leur priorité était le bonheur de leurs trois enfants. Ils n’hésitaient pas à s’imposer des sacrifices énormes.
Roberto est l’aîné de la famille. Ses frères, Leo et Fabio, ont respectivement cinq et sept ans de différence avec lui.
Les trois Luongo ont sauté dans le sport dès qu’ils en ont eu l’occasion. Et ils étaient talentueux.
L’été, ils jouaient au soccer compétitif et l’hiver, c’était le hockey élite.
«Roberto avait 12 ans et notre mère nous avait demandé de choisir entre les deux sports, raconte Leo Luongo. On commençait à avoir des conflits d’horaire avec les camps de hockey au mois d’août et ça commençait à être dispendieux.
«Roberto était très bon au soccer, mais il a choisi le hockey. On l’a tous suivi. Il a pris une décision qui a changé sa vie à ce moment-là.
«S’il avait choisi le soccer, il y a de bonnes chances que personne n’aurait connu Roberto Luongo. C’est assez incroyable.»
Un autre événement marquant est survenu quelques années plus tard. Les Luongo revenaient de l’aréna après avoir reçu une bonne nouvelle.
Roberto avait été sélectionné pour faire partie de la formation du Canadien de Montréal-Bourassa dans la Ligue midget AAA pour la saison 1994-1995.
Sur le chemin du retour, l’ambiance était lourde dans l’auto. Antonio et Pasqualina ne savaient pas comment ils allaient payer les coûts de cette campagne.
«C’était une affaire de plusieurs milliers de dollars, mentionne Fabio Luongo. Je me rappelle que ma mère pleurait parce qu’elle disait qu’on ne pouvait pas se le permettre. C’était une période difficile sur le plan financier pour mes parents.
«Mon frère Roberto avait dit à ma mère: “Laisse Fabio et Leo jouer, je ne vais plus jouer”.»
Des paroles puissantes pour un adolescent de 15 ans.
«Mon frère pensait à ma mère, ajoute Fabio. Ma mère voulait que mon frère continue. Elle avait pris une entente de paiement.
«Josée Gladu, une dame qui travaillait pour l’organisation, avait été gentille avec nous. Sans elle, mon frère n’aurait pas été capable de jouer.»
Une idole et un deuxième père
Roberto, Leo et Fabio étaient tissés serré. Les deux derniers avaient une admiration sans bornes pour leur grand frère.
«Nous étions vraiment proches, souligne Fabio. Il me protégeait souvent. On partageait la même chambre alors que Leo avait la sienne.
«Malgré les années, notre relation n’a jamais changé. Quand je vis des moments difficiles, c’est toujours lui que j’appelle. Ça a toujours été une idole et une personne de confiance. Je l’ai toujours admiré.»
«Il était un peu un deuxième père pour nous, ajoute Leo. Lorsqu’il a commencé à avoir du succès dans le monde du hockey, on le regardait comme une idole. On voulait essayer d’être comme lui.
«Puis, il est parti à Val-d’Or à 16 ans. Notre relation était différente parce qu’on ne se voyait plus au quotidien.»
Pour revenir à leur enfance, Fabio et Leo se souviennent des parties de minihockey dans le sous-sol familial.
«On l’a démoli, se rappelle Fabio avec un sourire. Nous avions de grosses chicanes. Si on recevait une balle dans le visage, on n’avait pas le droit de pleurer sinon on risquait que nos parents allaient mettre fin au match.
«Personne ne voulait aller dans les buts même si nous étions trois gardiens sur la glace. Quand c’était Roberto, c’était difficile de marquer. C’était toujours très compétitif.»
Les Luongo demeuraient à quelques rues d’une autre famille bien connue dans le monde du hockey: les Brodeur. Ce qui signifie que deux des meilleurs gardiens de l’histoire de la LNH viennent du même quartier. Ce serait surprenant de revoir pareil phénomène dans les prochaines années.
Les deux familles ont toujours entretenu une belle amitié durant les carrières de leurs enfants. Elles devaient se demander ce qu’il y avait dans l’eau de Saint-Léonard pour que leurs fils connaissent autant de succès.
Un homme parmi les enfants
Luongo a mis les jambières pour la première fois à sa première année dans la catégorie pee-wee. Par pur hasard. Il manquait un gardien pour un match et il s’est porté volontaire pour le remplacer.
«Il est venu à mon camp pee-wee CC, raconte Tony Canuto. Il mesurait déjà 5 pieds 10 pouces.
«J’ai regardé mes assistants et je leur ai demandé pourquoi Roberto n’était pas au camp AA. Je ne me souviens pas de la raison, mais je savais que j’avais un gardien solide entre les mains pour la saison.»
L’entraîneur avait utilisé Luongo à tous les matchs ou presque. Lors de la saison suivante, il n’hésite pas à le faire passer dans le calibre AA. Il avait été dominant.
«Je ne le connaissais pas avant de le diriger. C’était un colosse parmi les enfants. Il avait la technique, la grandeur, l’attitude, l’éthique de travail et il était entouré par une bonne équipe. Il avait une attitude sérieuse et il était intense tout le temps.
«C’était un leader silencieux. Quand mon équipe jouait mal, un regard vers ses coéquipiers et il passait son message.»
Il a voulu raconter une anecdote sur le père de Luongo.
«Son père ne ratait jamais un match. Il suivait la rondelle à pied et il se promenait d’un bout à l’autre de l’aréna.
«Je n’ai jamais eu de problème avec les parents. Ils avaient les deux pieds bien ancrés au sol. Pour ce qui est de la mère de Roberto, elle avait de la misère à regarder les matchs parce qu’elle était trop stressée.»
Un talent naturel
Roberto a rapidement attiré l’attention. Pas seulement en raison de sa grandeur, mais aussi par son talent. Il était indéniable.
Mario Baril, qui était aussi entraîneur de gardiens de but, travaillait à l’aréna Martin-Brodeur, à Saint-Léonard. Il voyait un beau potentiel en Luongo.
«Dès l’âge pee-wee, je voyais qu’il était très concentré et calme devant son filet. Il était timide et il faisait ses affaires, raconte Baril. Il ne s’en faisait pas avec ce qui se passait sur la glace. À ce moment-là, je ne pense pas qu’il envisageait de faire une grande carrière. Il jouait au hockey et il était heureux.
«Au camp midget AAA, on l’avait bien aimé. On l’a gardé parce que c’était le meilleur qu’on ne pouvait pas avoir dans la région.»
Avec les Canadiens de Montréal-Bourassa, Luongo n’avait pas de marge de manœuvre. L’attaque de l’équipe avait de la difficulté à marquer des buts.
Baril, qui était responsable des gardiens de la formation, se souvient d’une anecdote qui s’était déroulée à l’interne.
«Nous étions en finale du tournoi de Gatineau. L’entraîneur Richard Liboiron avait décidé d’envoyer Stéphane Desjardins dans le filet au lieu de Roberto. J’étais tellement fâché après Richard que je ne lui ai pas parlé jusqu’à Montréal! Malgré cela, Roberto était demeuré calme et il avait souhaité bonne chance à son coéquipier.»
La saison avance et les recruteurs se bousculent dans les arénas pour voir Luongo en action. Les habiletés de ce dernier ne font aucun doute. Il est de plus en plus clair qu’il sera une sélection de premier tour dans la LHJMQ.
Direction Val-d’Or
Durant la seule saison midget AAA de Roberto Luongo, Baril avait averti la mère du gardien qu’elle devrait s’habituer à l’absence de son fils au quotidien. Il n’avait pas tort. Son fils avait de bonnes chances de quitter le nid familial pour une ville située à plusieurs heures de voiture de Saint-Léonard.
Lors de la journée du repêchage, les Foreurs de Val-d’Or choisissent Luongo au deuxième rang au total. Une destination à plusieurs heures de voiture du domicile familial.
Auparavant, les Alpines de Moncton avaient jeté leur dévolu sur l’attaquant Pierre Dagenais. Après Luongo, les Tigres de Victoriaville avaient sélectionné un autre gardien, Mathieu Garon.
À 16 ans, il fait ses valises pour l’Abitibi pour amorcer sa carrière junior. Il réussit un tour de force en perçant la formation malgré son âge.
Luongo connaît un départ difficile avec quatre défaites et un verdict nul à ses cinq premiers départs. Il savoure sa première victoire le 22 octobre, contre les Harfangs de Beauport.
L’arrivée d’un mentor
L’entraîneur-chef Richard Martel, qui en est à sa première saison à la barre des Foreurs, veut participer aux séries. Les Foreurs font l’acquisition de Sébastien Charpentier, du Titan de Laval.
Le choix de quatrième tour des Capitals de Washington en 1995 débarque donc à Val-d’Or à la fin du mois de novembre avec deux objectifs précis.
«On était venu me chercher pour des performances immédiates et pour encadrer Roberto, explique Charpentier, qui était âgé de 18 ans à l’époque. Les Foreurs voulaient que je sois un mentor pour lui.
«Encore aujourd’hui, c’est amusant de dire que Roberto Luongo a été mon réserviste à un moment donné dans ma carrière!»
La connexion entre les deux gardiens est presque immédiate. Leurs personnalités sont similaires.
«Roberto est un gars avec qui tu veux rester ami. À l’aréna, on se concentrait sur ce qu’on avait à faire. Il avait déjà plein d’objectifs en tête.»
Cette association a été de courte durée. Charpentier avait été échangé à Shawinigan lors du repêchage suivant, pour permettre à Luongo d’être le gardien numéro un des Foreurs.
«Moi aussi, si j’avais eu Roberto, moi aussi je me serais échangé! Richard, qui m’avait juré qu’il ne m’échangerait jamais, se justifie encore de cette transaction.
«Roberto était prêt à être le numéro un. C’était le futur de bien des choses pour lui.»
Le début d’une longue amitié
À l’extérieur de la patinoire, Luongo s’adapte bien à l’absence de ses parents dans son quotidien. Comme c’est le cas des joueurs juniors, il se retrouve dans une famille de pension avec un coéquipier.
Il se retrouve alors avec une personne qui allait devenir son ami: Jean-Pierre Dumont.
«Il était un gardien timide et réservé, mais tu voyais qu’il avait de grandes aspirations avec son talent, se remémore Dumont. On savait qu’il allait être tout un gardien de but.
«Pour garder les buts à 16 ans dans la LHJMQ, il faut le faire. C’était quelque chose à voir.»
Dumont a remarqué que son cochambreur avait plusieurs qualités qui le distinguaient des autres.
«Roberto était un très bon coéquipier. Tu voyais qu’il détestait perdre. Que ce soit dans les entraînements ou dans les matchs, il donnait son 100%. C’était spécial.
«Dans ce temps-là, c’est dur de ne pas le faire quand tu vois ton gardien le faire tout le temps.»
Avant de se connaître à Val-d’Or, les deux joueurs ne se connaissaient pas beaucoup. Pour se divertir, ils allaient souvent jouer au billard.
«C’était très populaire à Val-d’Or. Sinon, on jouait au Sega Genesis ou au PlayStation dans le sous-sol de notre famille de pension. On faisait des tournois avec le jeu NHL avec des coéquipiers.
«On disait souvent qu’on pourrait se retrouver dans le jeu un jour. Après avoir été repêchés, on se demandait quelle cote on aurait en riant.»
De façon ironique, les deux joueurs des Foreurs ont été repêchés par les Islanders de New York à une année d’intervalle. Cependant, ils ne sont pas demeurés longtemps dans l’organisation qui était dirigée par Mike Milbury.
Même si leurs chemins ont pris des directions différentes, Luongo et Dumont sont encore en contact. Ils s’envoient des messages textes quelques fois par année et ils se rendent visite lorsque c’est possible.
Un repêchage, une transaction… et une coupe!
Après avoir été un choix de premier tour des Islanders de New York au repêchage de 1997, Luongo amorce la dernière étape de sa carrière junior. Elle n’aura pas été de tout repos. Les attentes étaient très élevées à son endroit.
En plus de sa tâche avec les Foreurs lors de la saison 1997-1998, il participe au Championnat mondial de hockey avec Équipe Canada junior. Il partage le filet avec Mathieu Garon, mais la formation canadienne obtient un de ses pires résultats de son histoire avec une huitième place.
Après cette expérience décevante, il aide les Foreurs à remporter la première Coupe du Président de leur histoire. Un exploit qu’il réussit avec l’aide de Jean-Pierre Dumont et Steve Bégin.
Luongo amorce sa dernière campagne junior avec les Foreurs. Avant son départ pour le camp d’Équipe Canada junior, les rumeurs de transaction s’intensifient. Plusieurs formations souhaitent mettre la main sur le gardien montréalais.
Le Titan d’Acadie-Bathurst, avec Léo-Guy Morrissette en tête, gagne le derby «Roberto Luongo» lors de la période des Fêtes.
Après avoir remporté la médaille d’argent au Mondial junior, le gardien met le cap sur le Nouveau-Brunswick. Objectif: la coupe du Président et rien d’autre.
L’attaquant Ramzi Abid était dans la même situation que Luongo. Il arrivait à Bathurst avec la même pression de gagner.
«Léo-Guy avait fait de grosses transactions pour former une grosse équipe. On avait gagné la Coupe du Président en grande partie en raison de Roberto.
«Il était un leader par sa prestance. Ce n’était pas lui qui parlait le plus dans la chambre. C’était un gardien qui inspirait la confiance à ses coéquipiers à chaque match. Il avait une grosse éthique de travail lors des entraînements.»
Le parcours en séries s’était bien déroulé. Abid se souvient du moment où les joueurs du Titan ont commencé à croire à la possibilité de remporter les grands honneurs. C’était le 11 avril 1999.
«C’était le premier match de la série contre les Remparts de Québec au PEPS de l’Université Laval. Roberto avait volé le match [63 arrêts dans une victoire de 3 à 2]. Ce fut l’élément déclencheur de notre quête pour le championnat.
«La pression était très forte sur Roberto durant les séries. Les gens scandaient son nom du début à la fin des matchs. Il gérait bien la pression. Je savais qu’il allait devenir un gardien étoile dans la LNH pendant longtemps de la façon dont il se comportait. Rien ne le dérangeait.»
Par la suite, le Titan avait été éliminé rapidement lors du tournoi de la Coupe Memorial.
«On avait eu une grosse parade après la Coupe du Président. Notre niveau d’émotion avait descendu avec les festivités dans la ville. On avait une des meilleures équipes de l’histoire, mais on n’a pas fini la job.
«On avait laissé Roberto à lui-même.»
Pour Luongo, c’était la fin d’un chapitre, mais aussi le début d’un autre.
À ses premiers pas chez les professionnels, il est retranché par les Islanders et se retrouve dans la Ligue américaine avec les Lock Monsters de Lowell pour amorcer la saison 1999-2000.
Il est rappelé quelques semaines plus tard par les Islanders.
L’entraîneur-chef Mike Milbury décide de l’envoyer dans le filet le 28 novembre, où son équipe affronte les Bruins à Boston. Luongo effectue 43 arrêts dans une victoire de 2 à 1.
Moins d’un mois plus tard, il réussit son premier jeu blanc en carrière encore contre les Bruins.
Même s’il évolue avec une formation médiocre, Luongo trouve une façon de se démarquer. En 20 départs, il parvient à maintenir une moyenne de 3,25 et un taux d’efficacité de ,904.
Lors du repêchage suivant, Mike Milbury effectue une transaction majeure que plusieurs observateurs ont encore de la difficulté à expliquer. Après avoir sélectionné le gardien Rick DiPietro au tout premier rang, il expédie Luongo et Olli Jokinen aux Panthers en retour des attaquants Mark Parrish et Oleg Kvasha.
Encore à ce jour, c’est une des pires transactions de l’histoire des Islanders.
«Je roule les dés un peu, avait mentionné Milbury au réseau ESPN à l’époque. Roberto Luongo sera un excellent gardien dans cette ligue. Il a beaucoup de classe et un jeune serait heureux d’avoir cette chance.
«[…] DiPietro possède une qualité que Roberto n’a pas. Il peut mieux manier la rondelle que n’importe quel autre gardien dans le hockey. Pas seulement comme jeune espoir, mais partout dans la ligue. Il a un talent exceptionnel. »
Quelques années plus tard, Luongo est revenu sur cette transaction alors qu’il portait les couleurs des Canucks.
«Ils m’ont échangé avant le repêchage. J’ai eu l’appel avant que le repêchage commence. Une heure avant, j’ai appris qu’ils avaient échangé Kevin Weekes. J’ai pensé que j’allais avoir ma chance d’être le gardien numéro un lors de la saison suivante.»
Après avoir quitté Long Island, il s’est souvent fait demander les raisons pour lesquelles ça n’avait pas fonctionné avec les Islanders. «Je peux nommer un nom», avait-il mentionné avec un sourire.
Luongo ne voulait pas lancer une pointe à Milbury, le grand responsable de son court séjour au sein de cette organisation. Ce n’est pas dans sa nature.
Au cours de son règne, Milbury a multiplié les mauvaises transactions. Les Islanders ont pataugé dans la médiocrité pendant plusieurs saisons après le départ de Luongo.
Une autre transaction qui fait du bruit
En Luongo, les Panthers venaient de mettre la main sur un joueur de concession, mais aussi sur un ambassadeur à l’extérieur de la patinoire.
Sur la patinoire, la formation de la Floride est en reconstruction. Les victoires sont rares. Malgré cette réalité, Luongo est en mesure de faire sa place parmi l’élite de la LNH à sa position.
Il est bombardé de tirs sur une base régulière. Il parvient à maintenir des statistiques très respectables.
Il croyait qu’il était bien enraciné en Floride. Il se trompait.
Le 23 juin 2006, la veille du repêchage qui se tenait à Vancouver, il est échangé aux Canucks dans une transaction impliquant cinq joueurs, dont Todd Bertuzzi.
Markus Näslund, Mason Raymond et Alex Burrows, qui deviennent ses nouveaux coéquipiers, se souviennent très bien de cette journée.
«C’était une grosse transaction, indique Näslund. Il avait été échangé pour Todd Bertuzzi, qui était un de mes bons amis. Todd avait été un gros morceau de notre formation pendant plusieurs saisons.»
Burrows avait pris connaissance de la transaction alors qu’il était autour d’un feu pour célébrer la Saint-Jean-Baptiste.
«J’ai dit « Wow! » Roberto était un peu une idole de jeunesse pour moi. Je le regardais au championnat mondial de hockey junior et dans la LHJMQ.
«Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois au camp d’entraînement, j’ai un peu figé. Roberto avait une telle présence.»
«C’est une sorte de mentor qui arrivait dans notre vestiaire, se souvient Raymond. J’ai eu la chance de le regarder jouer et de voir la façon qu’il se préparait. Il était capable de gagner le respect de ses coéquipiers à l’extérieur de la patinoire par sa présence.»
Luongo n’a pas mis de temps pour se faire de nouveaux partisans à Vancouver. Il présente une fiche de 47-22-6 avec une moyenne de buts accordés de 2,28 dès sa première campagne à Vancouver. En plus de participer au match des étoiles, il est en nomination pour les trophées Hart et Vezina.
Un message grâce à une médaille d’or
Durant les saisons suivantes, Luongo et les Canucks ont continué de rouler à plein régime. Le Québécois devient même le capitaine pendant deux saisons. En 2010, il reçoit l’appel d’Équipe Canada pour participer aux Jeux olympiques de Vancouver.
Celui qui en est à sa deuxième participation aux JO complète un trio de gardiens québécois avec Martin Brodeur et Marc-André Fleury.
Après une défaite contre les États-Unis au dernier match de la phase préliminaire, Luongo se voit confier le filet pour la phase éliminatoire du tournoi. Il permet au Canada de remporter des victoires contre l’Allemagne, la Russie, la Slovaquie et les États-Unis pour obtenir sa première médaille d’or olympique en carrière. En finale, il repousse 34 rondelles avant de voir Sidney Crosby inscrire le but gagnant en prolongation.
«En gagnant cette médaille d’or, il a prouvé qu’il était un gardien d’élite, ajoute Alex Burrows. Son humilité a toujours été remarquable.»
Quatre ans plus tard, à Sotchi, il gagnera une deuxième médaille d’or avec la formation canadienne. Cependant, c’est un certain Carey Price qui avait été le gardien numéro un de l’équipe.
Une défaite crève-cœur
Pendant ce temps, Luongo et les Canucks continuent d’empiler les excellentes saisons.
«On a constaté à quel point c’était important d’avoir un gardien de la trempe de Roberto pour connaître du succès dans la LNH. Il a révolutionné le style papillon pour les gardiens de grand format», mentionne Burrows.
«Je suis chanceux d’avoir pu jouer devant un futur membre du Temple de la renommée. C’est un sentiment spécial de savoir que tu peux gagner même si tu ne joues pas bien», analyse Näslund.
Sur le plan personnel, il reçoit un honneur de la part de son patelin. L’arrondissement de Saint-Léonard renomme l’aréna Hébert pour l’aréna Roberto-Luongo en 2009.
Lors de la saison 2010-2011, les Canucks remportent le trophée du Président avec 54 victoires. Luongo en remporte 38, un sommet en carrière.
En séries, tous les espoirs sont permis.
Après avoir battu les Blackhawks de Chicago à l’arraché, les Canucks éliminent Nashville et San Jose pour se qualifier pour la finale de la Coupe Stanley. Les Bruins de Boston se dressent sur leur chemin.
Grâce au brio de Luongo, les Canucks remportent les deux premiers matchs à domicile. Par la suite, les Bruins reviennent dans la série avec deux victoires convaincantes.
Après avoir pris une avance de 3 à 2, les Canucks laissent échapper les deux derniers matchs et le précieux trophée. La dernière défaite est crève-cœur parce qu’elle est présentée sur leur patinoire.
«On en parle encore quand on se revoit, affirme Mason Raymond. On était si proches et si loin à la fois. C’est dommage qu’on n’ait pas pu ajouter une coupe Stanley à notre feuille de route.»
C’est le seul honneur d’importance qui manque au curriculum vitae de Luongo. Malgré tout, ses excellentes statistiques lui ont permis d’obtenir son billet pour le Temple de la renommée.
Un compétiteur jusqu’au bout des doigts
Au cours de nos entrevues avec d’anciens coéquipiers ou des membres de sa famille, le côté compétitif de Luongo a été un thème récurrent.
«Bob est le gars le plus compétitif que je connais, explique Alex Burrows. Que ce soit lors des entraînements, au ping-pong ou aux cartes, il voulait toujours gagner.
«Il aimait avoir du plaisir, mais quand c’était le temps de jouer, il était imperturbable.»
Luongo est un joueur de cartes de haut niveau. Il a même tenté sa chance au célèbre tournoi des Séries mondiales de poker en 2012.
«Il lisait des livres là-dessus. La veille des matchs, il ne venait jamais avec nous pour souper. Il appelait au service aux chambres pour jouer aux cartes en ligne tout en regardant le football.»
Lors des longs voyages des Canucks, Luongo participait à des parties de poker avec ses coéquipiers dans l’avion. Ceux-ci essayaient toujours de l’éliminer en premier.
«On aimait le battre juste pour voir sa réaction. Si on gagnait avec une plus petite main que la sienne, il pognait les nerfs. Ça ruinait son vol parce qu’il ne pouvait plus jouer.»
Sur la glace, c’était la même chose, selon Mason Raymond.
«Il détestait autant perdre aux cartes qu’en finale de la Coupe Stanley. C’est sa nature compétitive qui lui a permis d’être là où il est aujourd’hui. Ça l’a transporté. À l’entraînement, tu avais de la misère à le déjouer. Ce n’est pas contre lui que tu pouvais rebâtir ta confiance.»
La suite et la fin en Floride
En 2013, ce fut le début de la fin pour Luongo à Vancouver. Son entraîneur Alain Vigneault décide d’envoyer Cory Schneider dans la mêlée pour le troisième match de la série contre St. Louis.
«Roberto savait que l’organisation s’en allait dans une autre direction, se souvient Burrows. Par contre, en raison de son contrat, il était coincé avec les Canucks.
«L’année suivante, John Tortorella est arrivé. Lors de la Classique Héritage au BC Place, Torts avait donné le départ à Eddie Läck. Roberto avait commandé un nouvel équipement spécialement pour ce match. Il était très déçu.»
Luongo savait que son temps avec les Canucks était compté. Son souhait d’être échangé se réalise en mars, alors qu’il retourne avec les Panthers de la Floride en retour de Jacob Markström et de Shawn Matthias.
Il jouera les six dernières saisons de sa carrière avec cette équipe. Avec les Panthers, il ajoutera 122 victoires à son compteur, en plus d’atteindre le plateau des 1000 matchs en carrière.
Le 26 juin 2019, dans une lettre publique, Roberto Luongo annonce sa retraite. Quelques mois plus tard, il est embauché comme conseiller spécial au directeur-général des Panthers. Un poste qu’il occupe toujours.
Il a la chance de travailler avec son frère Leo sur une base quotidienne. Leo est responsable des gardiens de but avec les Checkers de Charlotte, le club-école des Panthers.
«Il est incroyable comme patron, indique Leo. Il respecte mon parcours. Je ne me suis pas rendu ici du jour au lendemain. On se parle tous les jours.
«Ce que j’aime de lui, c’est qu’il ne pense pas qu’il connaît tout. Il est toujours ouvert et il tente toujours de s’améliorer comme il le faisait dans sa carrière. Il travaille fort pour être le meilleur dans ce qu’il fait.»
Le 14 novembre, Roberto Luongo fera son entrée au Temple de la renommée. Un gardien qui aura marqué son sport par son dévouement, son sens de la compétition et sa discipline. Même s’il n’a pas remporté la coupe Stanley, il aura trouvé une façon de mettre son nom parmi les immortels du hockey.