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Suisse et LiechtensteinLes entreprises en galère pour faire respecter les droits de l’enfant
Une étude menée par une équipe de l’Université de Genève révèle que les professionnels, peu conscients de la problématique, ne mettent pas en œuvre des mesures concrètes.
Les entreprises suisses peinent encore à faire respecter les droits de l’enfant, y compris à l’étranger. C’est le constat d’une recherche menée par une équipe du Geneva Center for Business and Human Rights (GCBHR) et du Centre interfacultaire en droits de l’enfant (CIDE), de l’Université de Genève. Publiée en août dernier, l’étude a porté sur une centaine de PME et de multinationales helvétiques et liechtensteinoises actives dans des domaines variés, tels que la chimie, la finance, le commerce de détail ou encore la technologie.
Prise de conscience limitée
«L’objectif était de voir comment elles s’engagent en faveur des droits de l’enfant dans l’ensemble de leur chaine de valeur. Celle-ci inclut les activités de leurs sous-traitants à l’étranger, mais aussi la sécurité de leurs produits eux-mêmes ou encore les conditions de travail de leurs employés, explique Berit Knaak, post-doctorante au GCGHR. Verdict: la mise en œuvre de mesures concrètes est minime. Et pour cause. «Elles n’ont souvent qu’une conscience limitée de ces droits et de la manière dont ils interfèrent avec leurs activités. Une entreprise de télécommunication, par exemple, n’aura pas l’impression d’être concernée. Or, elle a un rôle à jouer en rendant ses services accessibles aux jeunes, ainsi qu’en offrant des contenus adaptés.»
Aveugle face au travail des enfants
Les entreprises, qui ont des fournisseurs à l’étranger, sont particulièrement démunies, notamment face au travail des enfants. «Le secteur de l’agriculture y est très exposé. Il concentre plus de 70% de la problématique, confie la spécialiste. Pourtant, même en menant des audits, les entreprises assurent qu’elles n’ont pas détecté de cas dans leur chaîne d’approvisionnement. Cela questionne l’efficacité des systèmes de surveillance.» Et d’ajouter que le risque n’est pas uniquement présent dans des pays peu développés, mais existe aussi en Europe.
Une nouvelle loi en Suisse
Pour lutter contre ce phénomène, certains professionnels essayent notamment d’augmenter la transparence au sein de leur chaîne d’approvisionnement. Mais «les entreprises sont en plein apprentissage et tâtonnent encore», relève Berit Knaak. S’il n’existe pas de recette miracle, ce qui est sûr, c’est qu’elles vont devoir être plus proactives. En effet, en janvier dernier, une nouvelle loi en la matière est entrée en vigueur en Suisse. Désormais, les sociétés ont l’obligation de vérifier les soupçons de travail d’enfants et de les rapporter s’ils s’avèrent fondés.
L’étude a toutefois fait ressortir un point positif. «Les entreprises agissent parfois en faveur des droits de l’enfant sans s’en rendre compte, note Berit Knaak. Par exemple en offrant des conditions de travail favorables à leurs stagiaires ou jeunes apprentis.» Autre résultat encourageant: le haut standard de sécurité des produits destinés aux enfants. «L’industrie suisse est réputée pour cela. Il s’agit, là aussi, d’une contribution importante aux droits de l’enfant sans que cela soit explicitement reconnu comme tel.»
En 2012, l’Organisation des Nations Unies a publié les Principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l’enfant. Un document destiné aux boîtes pour s’assurer du respect des droits de l’enfant dans tous les aspects de leurs activités et tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. C’est à l’occasion des dix ans de cette publication que le GCBHR et le CIDE ont fait le point sur la question en Suisse et au Liechtenstein. Une recherche très bien accueillie par les entreprises. «Plus de 80% d’entre elles ont même accepté de sortir de l’anonymat», se réjouit Berit Knaak.