La main tendue s’est soldée par un claquement de porte. Surprenant ? Après avoir échoué cet été à former une coalition avec Les Républicains (LR), l’appel d’Emmanuel Macron à une « alliance » avec le parti de droite, lancé lors de son entretien sur France 2, mercredi 26 octobre, ne suscite pas davantage d’entrain. Avant même ce plaidoyer, Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, qui convoite la présidence du LR, avait balayé l’idée émise trois jours plus tôt par l’ex-président Nicolas Sarkozy. « On n’est pas dans le marchandage avec le gouvernement », a appuyé mercredi Olivier Marleix, chef du groupe LR à l’Assemblée. « La question a été tranchée. Ça fait des mois et des mois qu’il nous fait la danse du ventre (…) nous ne sommes pas Macron-compatibles », a abondé jeudi, sur Public Sénat, le sénateur de la Vendée, Bruno Retailleau, qui brigue également la tête du parti. Un refus sans ambiguïté.
En dépit des accents droitiers adoptés par le chef de l’Etat, à travers les valeurs de « l’ordre » et du « mérite » qu’il revendique, les représentants du parti fondé par Nicolas Sarkozy soulignent les divergences qui persistent entre eux et la Macronie. Dans le même temps, au sein de l’aile gauche du gouvernement et de la majorité, cet appel explicite à se rapprocher de la droite déstabilise. « On ne gagnera pas les prochaines élections en étant un ersatz de LR modernisé », soupire un ministre, relativisant une simple « tactique » qui viserait à « semer la pagaille chez LR ». « Une alliance avec LR n’est ni possible ni souhaitable », tranche le député Sacha Houlié (Renaissance), président de la commission des lois.
Au sein de l’entourage du chef de l’Etat, on se satisfait malgré tout de cette main tendue comme d’une étape, qui peut faire son chemin, avant une hypothétique dissolution de l’Assemblée nationale en cas de blocage. Du pragmatisme, entend-on dans les arcanes du gouvernement, qui pourrait achever de fracturer Les Républicains tout en permettant de faire passer les réformes. Le chef de l’État se préparerait aussi au risque qu’une motion de censure puisse, tôt ou tard, passer avec des voix LR et renverser le gouvernement. « Il plante des graines », interprète Barbara Pompili, députée de la majorité présidentielle et ex-ministre de la transition écologique, qui imagine que des portefeuilles ministériels pourraient être offerts à des élus de la droite.
« Aveu d’échec »
Curieusement, cette ouverture à LR repose sur le système des partis qu’Emmanuel Macron ambitionnait de dépasser. « Notre République se trouve aujourd’hui prise dans les rets des jeux d’appareil », écrivait-il dans Révolution (XO), en 2016. Le chef de l’Etat allie posture gaullienne, se disant prêt à utiliser le référendum ou l’article 49.3, et jeu d’alliances, qu’il avait jusqu’alors délégué à Elisabeth Borne. « C’est un aveu d’échec, analyse Bernard Sananès, président de l’institut de sondage Elabe. La stratégie de la coalition au cas par cas ne fonctionne pas, il acte qu’il faut un accord politique pour avoir une majorité stable. Macron espère forcer LR en s’adressant à l’opinion de droite, qui n’aime pas le désordre et les motions de censure à répétition. » Un pari qui, selon le sondeur, a peu de chances d’aboutir.
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