L’ombre du 49.3 n’a pas fini de planer sur l’Assemblée nationale: après l’avoir déjà dégainé trois fois en une semaine, le gouvernement pourrait à nouveau engager rapidement sa responsabilité pour clore un premier chapitre mouvementé de débats budgétaires.
« La misère n’est pas moins pénible au soleil »
Plusieurs sources au sein du camp présidentiel ont indiqué à l’AFP que l’exécutif penchait désormais pour une nouvelle utilisation lundi de cet outil constitutionnel, qui permet de faire passer sans vote un texte de loi, sauf adoption d’une motion de censure. Mais le scénario a déjà bougé à plusieurs reprises, en fonction de l’évolution des débats dans l’hémicycle.
Il s’agit de valider en première lecture l’ensemble du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Poursuivant l’examen de sa partie « dépenses », les députés se sont attelés vendredi en fin d’après-midi aux sensibles crédits en faveur de l’outre-mer. Ils sont en hausse de 300 millions d’euros par rapport à 2022 (+11%), atteignant les 2,4 milliards, mais sont jugés très insuffisants par les oppositions.
« La misère n’est pas moins pénible au soleil », a lancé la corapporteure Karine Lebon (groupe communiste), prévenant que le gouvernement ne doit pas faire « zoreille cochon dan’ marmite pois » (la sourde oreille, en créole) s’il veut que les élus ultramarins votent ces crédits, déjà rejetés une première fois en commission.
Auparavant, les parlementaires avaient adopté les crédits de la « mission culture », « historiquement hauts », selon la ministre Rima Abdul Malak, après avoir approuvé jeudi ceux alloués à la justice et la défense. Des débats plutôt feutrés, pendant lesquels la majorité présidentielle n’a perdu que peu de votes sur des amendements, comparé aux défaites en série enregistrées sur la partie « recettes » du budget de l’Etat.
Mais les députés avancent au ralenti, comme résignés au fait qu’ils n’iront pas au bout des nombreuses « missions budgétaires » restant à passer au crible d’ici au 15 novembre, dernier délai. Pour la gauche, le report de l’examen du chapitre hautement inflammable des « collectivités », prévu initialement jeudi et décalé à la semaine prochaine, est la preuve que l’exécutif veut mettre fin aux débats dans l’intervalle.
Des motions de censure lundi
La Première ministre Elisabeth Borne a engagé mercredi la responsabilité de son gouvernement sur l’ensemble du budget de la Sécurité sociale (PLFSS), via cet outil constitutionnel décrié par les oppositions.
Elle l’avait déjà fait auparavant sur la première partie de ce même texte, ainsi que sur la première partie du PLF. Une quatrième utilisation, sur l’ensemble du PLF, viendrait clore la séquence de la première lecture des budgets à l’Assemblée.
Mais avant que le Sénat dominé par la droite ne s’en saisisse, il faudra que les députés repoussent de nouvelles motions de censure. Les deux premières de l’alliance de gauche Nupes (LFI, PS, PCF, EELV), sur les recettes du budget de l’Etat et de celui de la Sécu, ont été rejetées, tout comme une motion du RN.
Face au 49.3 dégainé mercredi, LFI fait cette fois cavalier seul avec sa propre motion, la Nupes assumant une divergence stratégique sur l’opportunité d’un dépôt systématique. Socialistes, communistes et écologistes craignent de « banaliser » cet outil.
Macron accuse la gauche d’être « main dans la main » avec l’extrême droite
Le groupe RN a lui aussi déposé une motion sur le PLFSS. Ces deux motions seront débattues lundi à partir de 15H00. Le soutien des députés RN emmenés par Marine Le Pen à l’une des motions de la Nupes lundi dernier n’a pas suffi à faire chuter le gouvernement, mais cela a provoqué des débats enflammés.
Emmanuel Macron a accusé la gauche d’être « main dans la main » avec l’extrême droite, ce que récusent les parlementaires visés. Le projet de budget, que la droite trouve trop dispendieux et la gauche pas assez ambitieux, contient notamment un « bouclier tarifaire » de 45 milliards d’euros pour limiter à 15% les hausses des prix réglementés du gaz et de l’électricité.
Il programme aussi une augmentation de rémunération pour les enseignants ou la création de plus de 10.000 postes de fonctionnaires.
Quant au projet de budget de la Sécu, qui anticipe une forte baisse du déficit, il prévoit notamment d’améliorer la prévention et de réformer la formation des généralistes en ajoutant une quatrième année avec des stages « en priorité » dans les déserts médicaux.