La Russie agit «comme il faut» en Ukraine: Vladimir Poutine s’est adressé un autosatisfecit après bientôt huit mois de guerre et en dépit de la série de revers qu’enregistre son armée face aux forces ukrainiennes, qui vont recevoir 725 millions de dollars supplémentaires d’aide militaire de la part des États-Unis.
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Le président russe s’exprimait devant la presse au Kazakhstan à l’issue de sommets régionaux. Le même jour, l’Ukraine célébrait, de son côté, pour la première fois depuis le début de l’invasion, sa Journée des défenseurs, l’occasion pour son chef de l’État Volodymyr Zelensky de promettre la victoire aux siens.
«Ce n’est pas agréable ce qui se passe maintenant, mais (si la Russie n’avait pas attaqué l’Ukraine le 24 février), on aurait été dans la même situation un peu plus tard, les conditions auraient juste été plus mauvaises pour nous. Donc, nous faisons tout comme il faut», a répondu le président russe à un journaliste qui lui demandait s’il avait des regrets.
Vladimir Poutine s’est aussi montré satisfait des frappes massives qui ont touché des infrastructures essentielles ukrainiennes lundi et mardi, mais aussi des parcs et des habitations. Il a jugé que de nouveaux bombardements d’ampleur sur les villes d’Ukraine n’étaient pas nécessaires «pour l’instant».
La Russie avait effectué de nombreux tirs de missiles au début de la semaine en représailles à l’explosion qui a en partie détruit le pont russe de Crimée, de grande importance stratégique.
Signe de la gêne des partenaires traditionnels de Moscou face au conflit en Ukraine, M. Poutine a pour la première fois vendredi reconnu que les pays de l’ex-URSS restés proches de Moscou étaient «préoccupés» par la situation.
Une station électrique russe frappée
«On remercie (…) tous ceux qui se sont battus pour l’Ukraine dans le passé et tous ceux qui se battent pour elle maintenant, ceux qui ont gagné à l’époque et ceux qui vont sans aucun doute gagner maintenant», a déclaré M. Zelensky, en cette journée d’hommage à l’armée.
Pour la même occasion, les photo-portraits de quelque 180 soldats ont été dressés sur la place devant la célèbre cathédrale Sainte-Sophie de Kyïv. Tous ont été tués à Marioupol, une cité portuaire assiégée des mois durant par l’armée russe avant de tomber en mai.
Galyna Golitsyna a perdu ses deux fils à la guerre. L’aîné en 2014, et Denys le 23 mars dernier à Marioupol. Agée de 61 ans, elle pose en pleurant une main, puis son front, sur le portrait de son cadet, mort à 32 ans.
«Perdre un enfant c’est le plus terrible qui puisse arriver. Et moi, j’ai perdu mes deux enfants dans cette même guerre. C’est le jour de la mémoire pour moi», dit-elle à l’AFP en s’essuyant les yeux.
Forts de succès sur plusieurs fronts depuis début septembre, les autorités ukrainiennes affichent, quant à elles, leur détermination, n’hésitant pas à lancer des attaques sur le territoire russe.
Ainsi, une station électrique située à Belgorod, dans l’extrême ouest de la Russie, «a pris feu» vendredi après une frappe ukrainienne, a annoncé le gouverneur de la région frontalière de l’Ukraine où elle se trouve, Viatcheslav Gladkov, selon lequel l’incendie a finalement été maîtrisé.
Cette cité de 330 000 habitants n’avait jusqu’à présent été que rarement touchée par des tirs en provenance du sol ukrainien, contrairement à ses environs, régulièrement visés.
Et si l’Ukraine n’a pas revendiqué l’explosion qui a éventré le pont de Crimée, elle s’est réjouie de la destruction partielle de cet ouvrage essentiel à l’approvisionnement des troupes d’occupation qui font face à une contre-offensive dans le sud.
Des dégâts suffisamment importants pour que le premier ministre russe Mikhaïl Michoustine fixe au 1er juillet 2023 la date de l’achèvement des travaux.
Nouvelle aide américaine
Dans le nord de la région méridionale ukrainienne de Kherson, les forces ukrainiennes ont continué toute la semaine d’avancer, village par village.
Jeudi, le dirigeant installé par Moscou, Vladimir Saldo, a demandé au Kremlin son aide, immédiatement accordée, pour évacuer des civils.
Les forces russes restent, pour leur part, à l’initiative sur une partie du front oriental, où elles tentent de conquérir Bakhmout depuis le mois d’août.
En prenant cette cité ravagée par les bombardements, Moscou espère ouvrir la voie vers deux grandes villes de la région de Donetsk, Kramatorsk et Sloviansk.
Selon Andreï Marotchko, le représentant des forces séparatistes de la région de Lougansk luttant dans la zone, «des combats sont en cours» et les forces ukrainiennes sont en train d’être repoussées «vers le nord-ouest et l’ouest» de Bakhmout.
Ailleurs en Ukraine, l’armée russe a connu depuis début septembre une succession de revers, abandonnant des milliers de kilomètres carrés.
Ces échecs ont conduit fin septembre Vladimir Poutine à ordonner la mobilisation de 300 000 réservistes, des civils donc, pour tenter d’inverser la tendance.
Vendredi, il a assuré ne pas prévoir de nouvelle vague de conscription. Selon lui, 222 000 personnes ont été mobilisées, dont 16 000 sont déjà dans des «unités impliquées dans des combats».
Au plan international, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen s’est le même jour dite «déçue» que la Commission européenne n’ait pas rejoint le groupe de créanciers qui ont accepté de suspendre pendant deux ans les remboursements de la dette ukrainienne.
Un peu plus tard, Washington a annoncé une nouvelle aide militaire de 725 millions de dollars pour Kyïv. «Ce versement portera le total de l’aide militaire américaine fournie à l’Ukraine à un montant sans précédent de plus de 18,3 milliards de dollars» depuis l’entrée en fonction de Joe Biden, a précisé le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken dans un communiqué.