Près de huit mois après son déclenchement, « l’opération militaire spéciale » lancée par Vladimir Poutine le 24 février est en train, une nouvelle fois, de changer de nature. En frappant massivement les villes ukrainiennes situées loin du front, Moscou assume ainsi une nouvelle escalade sur le terrain – qui fait suite à la surenchère qu’a constituée l’annexion de quatre régions ukrainiennes, fin septembre, et aux multiples revers subis sur le terrain par les forces russes.
Signe le plus évident de ce tournant : les missiles qui se sont abattus sur le centre-ville de Kiev, épargné depuis plusieurs mois. En tout, selon les autorités russes, plus de 150 missiles ont été tirés, lundi 10 octobre, sur tout le territoire ukrainien. Des drones ont également été utilisés. Des infrastructures énergétiques ou de communication, mais aussi une aire de jeux pour enfants et des voitures ont été atteintes. Au moins douze personnes ont été tuées et quatre-vingts autres blessées, selon Kiev.
Certes, les grandes villes ukrainiennes avaient déjà été la cible de bombardements massifs, dans les premiers temps de l’invasion russe. Le vocabulaire employé, lundi, par le ministère de la défense russe et par Vladimir Poutine rappelait ainsi des formulations connues – il est toujours question de « missiles de haute précision », d’attaques visant « le régime de Kiev » et non la population…
La fin du mythe de la « retenue » russe
Pour autant, le caractère punitif, voire vengeur, de cette dernière campagne de bombardements est évident, deux jours après l’attaque attribuée par Moscou à un camion piégé qui a endommagé le pont de Crimée. Vladimir Poutine l’a à peine dissimulé, lors de son intervention devant son conseil de sécurité, lundi. Après avoir accusé Kiev de « terrorisme atomique » ou évoqué des tentatives de sabotage inconnues sur le gazoduc Turkish Stream, le président russe a estimé que « le régime de Kiev se met de cette façon au même niveau que les groupes terroristes les plus répugnants de la planète ». « Laisser cela sans réponse est impossible », a-t-il conclu.
Autre signe parlant, ce missile lâché sur le pont de verre qui court sur la colline Saint-Vladimir, dans le centre de Kiev. Sans même parler de sa valeur militaire inexistante, l’édifice, utilisé par les touristes, ne joue pas le moindre rôle dans le fonctionnement de la capitale ukrainienne. Pont de Crimée contre passerelle piétonne, le message est clair.
Une telle opération, surtout si elle était appelée à se renouveler, marque un changement de tactique : la « retenue » dont prétend avoir fait preuve Moscou jusqu’à présent – les « états d’âme chevaleresques », selon le journaliste propagandiste Alexander Kots – est un mythe qui n’aura vécu que quelques jours, fin février. La destruction de Marioupol ou celle de Sievierodonetsk, entre autres exemples, en sont des rappels.
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