Les forces russes ont revendiqué vendredi la prise de quelques localités dans l’est de l’Ukraine après une série de revers cinglants sur plusieurs fronts, mais Kyïv semble garder l’initiative, appelant les soldats russes à choisir la reddition.
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L’armée ukrainienne a repris près de 2 500 km2 de territoire aux forces russes depuis la fin septembre, dont près de 800 km2 et 29 localités «rien que cette semaine», a affirmé le président Volodymyr Zelensky vendredi soir dans son allocution quotidienne.
Au même moment à Oslo, le Nobel de la paix récompensait le militant bélarusse emprisonné Ales Beliatski, l’ONG russe Memorial et le Centre ukrainien pour les libertés civiles, un prix hautement symbolique en pleine guerre en Ukraine.
Les grandes capitales occidentales ont salué cette décision, et le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a souligné «le pouvoir de la société civile pour faire avancer la paix».
Le président américain Joe Biden, qui a mis en garde contre un risque d’» apocalypse» pour la première fois depuis la Guerre froide, a félicité des lauréats qui se sont dressés face «à l’intimidation et à l’oppression».
Mais en Russie, en guise de réaction, la justice a ordonné la saisie des bureaux de Memorial.
- Écoutez l’entrevue avec Fabrice de Pierrebourg, journaliste d’enquête et en couverture de conflits et a été correspondant de guerre en Ukraine à l’émission de Philippe-Vincent Foisy diffusée chaque jour en direct 6 h 50 h via QUB radio :
Le Fonds monétaire international (FMI) a quant a lui annoncé vendredi débloquer 1,3 milliard de dollars de financement d’urgence à destination de l’Ukraine, via son nouvel instrument d’aide pour faire face aux chocs alimentaires.
Cette nouvelle enveloppe vise à «soutenir l’Ukraine face à ses besoins urgents en termes de balance des paiements» mais également à «jouer un rôle catalyseur pour de futurs soutiens financiers de la part de donateurs et créanciers de l’Ukraine».
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait annoncé cette aide du FMI plus tôt dans la journée, ajoutant que «les fonds arriver(aient) en Ukraine dès aujourd’hui».
Appel à la reddition
Sur le terrain, signe de la confiance gagnée par les Ukrainiens après le succès de leur contre-offensive, le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov a promis de «garantir la vie, la sécurité et la justice» aux militaires russes qui choisiraient de se rendre.
«Vous pouvez encore sauver la Russie de la tragédie et l’armée russe, de l’humiliation», a-t-il lancé, alors que les défaites ont poussé le président russe Vladimir Poutine à mobiliser plusieurs centaines de milliers de personnes dans l’armée.
Moscou a de son côté annoncé avoir gagné un peu de terrain – trois villages dans l’Est ukrainien – après avoir perdu des milliers de kilomètres carrés de territoires sur plusieurs fronts, plus au nord et au sud ces dernières semaines.
Les trois villages pris sont situés au sud de la ville de Bakhmout qui est, elle, sous contrôle ukrainien. L’armée russe tente de prendre depuis des mois la zone, jusqu’à présent sans succès.
«Combats de rue»
À Bakhmout vendredi, des journalistes de l’AFP ont entendu des tirs d’artillerie lourde et de lance-roquettes multiples dans cette ville, qui comptait 70 000 habitants avant la guerre.
Des rafales occasionnelles de mitrailleuses étaient également audibles. Un bénévole civil du groupe humanitaire Vostok SOS, Edouard Skorik, 29 ans, a raconté à l’AFP que des «combats de rues» avaient eu lieu près de sa maison, de l’autre côté de la rivière Bakhmouta.
Au sud de la ville, en direction des villages capturés par les Russes, des colonnes de fumée noire s’élevaient après des explosions d’obus, faisant sursauter et parfois plonger à terre les civils.
Dans la région occupée de Kherson (sud), au moins cinq civils ont été tués et cinq blessés par une frappe ukrainienne ayant touché un bus de civils qui se rendaient au travail en traversant un pont, selon le responsable prorusse Kirill Stremooussov.
Kiev a visé des ponts dans cette région à de multiples reprises afin de perturber la logistique russe.
La présidence ukrainienne a rapporté une nouvelle frappe russe sur la région de Zaporijjia (sud), pour la deuxième journée consécutive, faisant un blessé. «Des infrastructures ont été détruites dans deux districts. L’occupant a utilisé pour la première fois des drones», a-t-elle indiqué.
La veille, 11 personnes avaient été tuées dans des frappes russes sur Zaporijjia, selon les services de secours ukrainiens.
Risque «d’apocalypse»
Le chef des séparatistes prorusses de la région de Donetsk (est), Denis Pouchiline, a relevé que la situation «la plus difficile» se trouvait près de Lyman, nœud ferroviaire repris récemment par les forces ukrainiennes, et où les troupes russes ont échappé de justesse à l’encerclement.
Selon lui, ces dernières fortifient une nouvelle ligne de défense près de Kreminna, plus à l’est, que les forces ukrainiennes «testent jour et nuit».
«Je pense que nous avons toutes les chances d’accumuler des forces et de commencer à libérer des territoires avec de nouvelles réserves», a-t-il ajouté, annonçant l’envoi de renforts.
La Russie a revendiqué la semaine dernière l’annexion de quatre régions qu’elle contrôle au moins en partie en Ukraine, à l’issue de «référendums» dénoncés par l’ONU, Kiev et ses alliés occidentaux.
Quant à la menace nucléaire, elle va crescendo.
Après les menaces de Vladimir Poutine d’employer l’arme nucléaire pour défendre les territoires que le Kremlin considère comme russes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué jeudi la nécessité le cas échéant de «frappes préventives» contre la Russie.
Si la présidence ukrainienne a rapidement fait marche arrière en affirmant que M. Zelensky parlait de «sanctions» préventives et non de frappes, les responsables russes ont fustigé ses propos.
Le Kremlin a dénoncé un «appel à débuter une nouvelle guerre mondiale» et le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a estimé que de telles déclarations confirmaient le bien-fondé de l’invasion russe.