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les Pachypodium, victimes d’un trafic méconnu mais lucratif – Jeune Afrique

les Pachypodium, victimes d’un trafic méconnu mais lucratif – Jeune Afrique


Le braconnage de pachydermes suscite, presque partout dans le monde, une vaste réprobation. Mais qui se soucie aujourd’hui du trafic illégal des Pachypodium ? Seulement quelques douaniers et une poignée de jardiniers de collection.

Si le terme scientifiquement obsolète de « pachyderme » (« peau épaisse ») renvoie aussi bien aux éléphants qu’aux rhinocéros, le genre « Pachypodium » (« pied épais ») est, lui, encore d’usage commun chez les botanistes. Il comprend des plantes de la famille des apocynacées, lesquelles se caractérisent par une tige très épaisse à leur base, le caudex. Originaires essentiellement de Madagascar et d’Afrique australe, ces superbes végétaux à croissance lente sont très prisés des collectionneurs.

Appât du gain

Et c’est bien là leur malheur. Par appât du gain, les trafiquants n’hésitent pas à arracher des plantes centenaires, dont le commerce est strictement encadré par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), signée à Washington en 1973 et en vigueur depuis juillet 1975.


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Ces cinq dernières années, à l’aéroport de Roissy, les douanes françaises ont effectué 24 saisies de plantes protégées en provenance de la Grande Île, et quatre en provenance d’Afrique du Sud, sachant que la Thaïlande arrive en tête de ce triste classement, avec 29 affaires.

« Chaque jour, une de nos équipes se consacre au contrôle des colis. Certaines provenances font l’objet d’une attention particulière, explique Sylvie Ralle, cheffe du bureau de contrôle de la société Sodexi, qui intervient dans les aéroports parisiens. Dès que l’on a découvert que des plantes étaient exportées illégalement, on a pris conscience de l’importance du trafic en provenance de Madagascar. Il y a, dans ce pays, une grande quantité d’espèces protégées, aussi sommes-nous très vigilants. »

Palmier de Madagascar (Pachypodium lamerei), ici en Afrique du Sud. © Jean-Paul Chatagnon/Biosphoto via AFP

Palmier de Madagascar (Pachypodium lamerei), ici en Afrique du Sud. © Jean-Paul Chatagnon/Biosphoto via AFP

Les saisies de ces cinq dernières années étaient à 96% destinées au marché asiatique (Hong Kong, Singapour, Thaïlande). À Roissy, la valeur moyenne des 16 saisies de 2022 a été estimée à un peu moins de 3 230 euros chacune. Certes, on est loin du prix atteint par l’ivoire ou la corne de rhinocéros, mais c’est tout un patrimoine naturel d’une extrême fragilité que ce trafic met en danger.

Sur les colis saisis, de vagues indications menant à des boîtes postales anonymes

Emballés dans du papier journal, parfois traités avec des fongicides, les Pachypodium et les euphorbes malgaches – comme les guillauminiana –, arrachés sans grande précaution, se retrouvent ainsi blessés, abîmés, sous les froides latitudes occidentales. Sur les colis, de vagues indications mènent à des boîtes postales anonymes. Pour les douaniers, impossible de les renvoyer.

« Si on les renvoyait à des jardins botaniques malgaches, ces plantes seraient volées en cours de route et ne parviendraient jamais à destination. Sans doute même, elles ne supporteraient pas le voyage retour », explique Sylvie Ralle. Alors, plutôt que de les laisser mourir ou de les détruire, les douaniers français font appel aux experts du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris. Ils leur envoient des échantillons et des photographies, qui permettent aux scientifiques de confirmer s’il s’agit d’espèces protégées et s’il est possible de les sauver.

Commerce strictement contrôlé

« En France, le MNHN est l’autorité scientifique pour la Cites, explique le responsable des collections scientifiques vivantes. Quand il y a une saisie, nous déterminons si les plantes font partie des espèces protégées. Quand c’est le cas et qu’il est intéressant de les conserver, nous les récupérons, dans une logique de préservation. »

Les Pachypodium et euphorbes malgaches sont répertoriés dans l’annexe 2 de la Cites rassemblant « les espèces qui, bien que n’étant pas nécessairement menacées actuellement d’extinction, pourraient le devenir si le commerce de leurs spécimens n’était pas étroitement contrôlé ».


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Quand le MNHN décide de conserver les plantes saisies, il en devient propriétaire, mais ne peut les vendre. Les jardiniers de collection rattachés au Muséum les récupèrent en moins d’une semaine et les installent en un lieu tenu secret pour ne pas éveiller les convoitises.

« Hier, les douanes nous ont apporté deux cartons contenant 80 Pachypodium de Madagascar, explique l’un des jardiniers chargé de l’entretien des saisies. Sur le paquet était indiqué le nom d’une entreprise, Ryan Green Garden, dont la seule trace est une page Facebook ; quant au destinataire, il semble être un particulier établi à Hong Kong. Chaque Pachypodium était enveloppé dans du papier journal… L’ironie, c’est que l’un d’entre eux était entouré d’une page mentionnant un article sur le pillage des trésors de Madagascar – dont le trafic de plantes endémiques ! »

Aspect biscornu

Disposés sur les étals de serres maintenues à 21°C, les euphorbes et Pachypodium ainsi récupérés se refont une santé sous le regard attentif des jardiniers du MNHN. « On voit tout de suite que ces plantes n’ont pas grandi en pépinière, elles n’ont pas poussé droit, on remarque la trace des rochers entre lesquels elles se sont développées et, bien sûr, les coupes sauvages au niveau des racines », explique l’un d’eux.

La plupart de ces végétaux sont endémiques de Madagascar. Certains, même, n’existent que sur une seule colline. Se développant dans des conditions difficiles, en milieu souvent aride, ils ont parfois un aspect fripé de bonzaï. Un Operculicarya pachypus d’une trentaine de centimètres de haut peut ainsi être âgé de plus d’une centaine d’années. Voilà tout ce qui fait leur valeur pour les collectionneurs d’espèces rares : leur forme biscornue, leur âge, leur rareté.

On ne s’attendait pas à en avoir autant. Le rythme s’est accéléré depuis cinq ans

« Quand les plantes arrivent ici, poursuit le jardinier chargé des espèces malgaches, on les place tout de suite dans de la roche volcanique microporeuse, la pouzzolane, et il n’en faut pas beaucoup plus pour qu’elles reprennent. Surtout quand elles sont petites. Les euphorbes repartent en général mieux que les Pachypodium. On place les operculicaryas dans du sable sec pour tenter de les faire repartir. On a longtemps tâtonné, mais, désormais, on commence à bien gérer, on se cale sur les saisons malgaches. » Parmi les saisies, il y a aussi des graines, que les équipes sèment dans un environnement semblable à leur milieu d’origine.

Entre 8 et 20 milliards d’euros

Quelle que soit la forme sous laquelle elles arrivent, les plantes confiées au Muséum sont répertoriées et enregistrées sur une base de données, puis valorisées. « On ne s’attendait pas à avoir autant de saisies, explique le responsable scientifique. Le rythme s’est accéléré depuis cinq ans et nous frisons le trop-plein, avec des plantes provenant majoritairement du sud-ouest malgache. Nous allons essayer de les redistribuer à différents jardins botaniques européens afin de multiplier les chances de protéger et de diffuser les espèces. »

Si les informations recueillies lors des saisies douanières « remontent vers les services d’enquête », il n’y a, pour l’heure, aucune coopération entre Roissy et les services des douanes malgaches. Sans doute les sommes en jeu ne sont-elles pas assez importantes. Reste qu’au niveau mondial, la Cites estime que le trafic d’espèces menacées, faune et flore confondues, génère entre 8 et 20 milliards d’euros. Il arrive en quatrième position après le commerce de la drogue, la traite d’êtres humains et le trafic d’armes.

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