Le Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a publié vendredi un nouveau rapport extrêmement alarmant sur les menaces des nouvelles technologies de surveillance quant au respect de la vie privée et des droits humains. Les usages dénoncés font largement écho à la situation en Suisse.
Pour Elizabeth Throssell, du Haut Commissariat aux droits de l’homme, qui a présenté vendredi le rapport à la presse au siège de l’ONU à Genève, il s’agit d’une crise des droits humains fondamentaux, d’une ampleur sans précédent.
La principale inquiétude est l’usage des « spywares », à savoir des logiciels espions, dont le plus célèbre est l’israélien Pegasus, un type de logiciel utilisé par des autorités suisses, comme le révélait une enquête de la RTS en 2021.
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Au moins 65 Etats utilisent Pegasus
Une fois installés, les logiciels tels que Pegasus transforment un simple smartphone en dispositif multimédia de surveillance 24 heures sur 24 par le biais d’une attaque « zeroclick ». Il devient quasiment impossible d’y échapper une fois le téléphone ciblé.
Les messages, les photos, les applications, les e-mails ou encore la caméra sont accessibles par l’espion qui est alors à même de se faire une image très précise des pensées, goûts, opinions et relations du propriétaire du téléphone.
Ainsi, les services de renseignements et les autres autorités d’enquête de très nombreux Etats utilisent ces logiciels, selon le rapport d’ONU, qui dénonce un phénomène mondial et massif. Au moins 65 Etats dans le monde utiliseraient Pegasus à des fins de renseignement même si le chiffre réel est sans doute plus élevé.
La Suisse a-t-elle utilisé Pegasus?
En Suisse romande, Sébastien Fanti, avocat et préposé à la protection des données et à la transparence dans le canton du Valais, a voulu savoir si le logiciel espion utilisé par la Suisse était Pegasus et a déposé une demande officielle auprès de la police fédérale, Fedpol, au nom de la loi fédérale sur la transparence. Cependant, l’avocat valaisan n’a reçu qu’un refus catégorique pour raison de sécurité nationale.
L’avocat a ensuite saisi le préposé fédéral à la protection des données mais il s’est vu opposer un nouveau silence de Fedpol, qui refuse de fournir toute information et pas même si elle a eu des contacts informels avec l’entreprise qui commercialise Pegasus. Enfin, Sébastien Fanti a fait recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). L’affaire est en cours, selon le TAF, qui ne précise pas de date quant à sa décision. De son côté, l’avocat valaisan se dit prêt à aller jusqu’au Tribunal fédéral.
Si aucune commission d’enquête n’a été ouverte en Suisse, Sébastien Fanti a contacté PEGA, la commission d’enquête du Parlement européen chargée d’enquêter sur l’utilisation de Pegasus et de logiciels espions de surveillance équivalents.
Bien que la Suisse ne soit pas dans l’Union européenne, le Parlement européen a accepté son offre de collaboration. L’avocat valaisan est donc désormais à leur disposition et leur enverra toutes les informations dont il dispose. Il a également été nommé cette année expert sur la protections des données auprès du Conseil de l’Europe et du Comité européen de la Protection des données.
>> Revoir le sujet du 19h30 sur l’utilisation du logiciel Pegasus en Suisse:
Benjamin Luis/aps