La mise en scène importe autant que le message véhiculé. Lundi 24 octobre, le procureur général des Etats-Unis, Merrick Garland, a conduit lui-même une conférence de presse inattendue au sujet de l’inculpation de treize personnes œuvrant au profit de la Chine sur le sol américain. Aux côtés du ministre se trouvaient ses adjoints, ainsi que le directeur de la police fédérale (FBI), Christopher Wray, donnant un caractère solennel à cette communication. Le patron du FBI a mis en cause le « comportement scandaleux » de la Chine à l’intérieur même des frontières américaines. « Ils essaient de réduire au silence tous ceux qui tentent d’empêcher leurs vols – entreprises, responsables politiques, individus – comme ils essaient de réduire au silence ceux qui tentent d’empêcher leurs autres agressions », a poursuivi M. Wray.
Difficile de ne pas noter la coïncidence entre cette conférence de presse et la fin du congrès du Parti communiste chinois, la veille, marqué par la reconduction dans ses fonctions du président, Xi Jinping. « Les actions annoncées aujourd’hui ont lieu sur fond d’activités malveillantes du gouvernement de la République populaire de Chine, qui incluent espionnage, tentatives de perturbation de notre système judiciaire, harcèlement d’individus et efforts en cours pour voler des technologies américaines sensibles », a énuméré l’adjointe de M. Garland, Lisa Monaco.
Dans un communiqué publié lundi, le département de la justice a donné quelques précisions sur les différentes affaires en cause. Dans la première, instruite à New York, sept ressortissants chinois ont été inculpés pour avoir tenté de provoquer le rapatriement forcé d’un compatriote vivant aux Etats-Unis. Ils l’auraient pour cela surveillé et harcelé, dans le cadre d’une opération baptisée « Chasse au renard » et mise en place par le ministère chinois de la sécurité publique. Le responsable de cette opération est un homme d’affaires nommé Quanzhong An, installé dans le Queens, à New York, et actionnaire majoritaire d’un hôtel. C’est lui qui aurait régulièrement transmis des menaces à la personne ciblée – accusée de corruption – ou à son fils, leur dernière rencontre remontant au 29 septembre. Quanzhong An aurait espéré parvenir à ses fins avant le congrès du Parti communiste chinois. Deux des suspects ont été arrêtés le 20 octobre, les autres demeurant en fuite.
Opération de longue haleine
Dans la deuxième affaire, instruite dans le New Jersey, quatre Chinois – dont trois espions travaillant pour le compte du ministère de la sécurité d’Etat – ont été inculpés dans le cadre d’une opération de renseignement de longue haleine. Selon le document d’inculpation, il y aurait eu un effort de recrutement, entre 2008 et 2018, visant notamment des professeurs d’université ayant accès à des informations sensibles, ainsi qu’un ancien agent fédéral, afin qu’ils travaillent pour l’Etat chinois. Leurs activités clandestines se passaient sous le couvert d’un centre universitaire créé pour la circonstance, le Institute of International Studies. Ce dernier aurait offert à l’ancien agent fédéral américain, devenu professeur, des séjours tous frais payés en Chine. En échange, il lui aurait été demandé de fournir des informations sensibles sur des technologies de reconnaissance par empreintes digitales, ainsi qu’une aide pour déjouer des manifestations antichinoises, aux Etats-Unis, avant le transfert de la flamme olympique vers la Chine, au moment des Jeux olympiques de 2008. Mais l’ancien employé fédéral américain a dénoncé ces tentatives de recrutement aux autorités de son pays.
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