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Quand les Lions de l’Atlas feront leur entrée sur la pelouse du stade qatari, jeudi 1er décembre à 16 heures, pour affronter le Canada, le temps s’arrêtera au Maroc. Les rues seront désertes, la circulation sera interrompue pour cette troisième et dernière journée du groupe F lors de cette Coupe du monde au Qatar. Les commerçants baisseront le rideau, les vendeurs à la sauvette remballeront leurs marchandises, les gardiens de rue auront quitté leur poste. Pendant quatre-vingt-dix minutes, la vie sera rythmée par la clameur qui s’échappe des cafés à chaque but, à chaque occasion manquée, là où sont rassemblés les supporteurs, hommes et femmes, de tous âges et de tous milieux sociaux.
Terre de football, le Maroc a vu la ferveur aller crescendo depuis le début de la compétition internationale. Jusqu’à battre son plein dimanche, quand l’équipe marocaine a remporté la victoire (2-0) contre la Belgique, troisième du dernier Mondial de 2018. Les cris de joie et les klaxons ont retenti jusque tard dans la nuit à Casablanca, à Marrakech, à Tanger ou à Kénitra pour célébrer cet « exploit historique » salué en boucle dans les médias nationaux. Depuis, les discussions ne tournent plus qu’autour des chances que le pays a de se qualifier pour les huitièmes de finale, comme ce fut le cas en 1986.
« Le Maroc, c’est le Brésil de l’Afrique »
« Le Maroc, c’est le Brésil de l’Afrique ! », s’enthousiasme Anas Ben Zaroual, 20 ans, un étudiant en développement digital rencontré devant un café du Maârif, quartier central et animé de Casablanca. « On partage tous l’amour du foot, c’est dans notre ADN. Il nous unit, il transcende tous les conflits. Aucun Marocain ne raterait un match de l’équipe nationale. »
Dès le premier match de la compétition – contre la Croatie (0-0) le 23 novembre à 11 heures –, des entreprises ont autorisé leurs salariés à s’absenter ou ont assuré la diffusion du match depuis leurs locaux. Si aucun dispositif spécial n’a été annoncé par le ministère de l’éducation nationale, de nombreux établissements privés, du primaire à l’enseignement supérieur, ont suspendu les cours. Quand ce n’est pas, par endroits, une journée de vacances exceptionnelle qui a été accordée aux élèves pour leur permettre de vivre l’épopée nationale. Jeudi, les cours devraient se terminer à 14 heures ou 15 heures dans un bon nombre d’écoles, pour permettre à tous de se connecter à temps avec le Qatar.
D’autres établissements ont même converti leur cour de récréation en fanzone. A l’instar du groupe scolaire La Fourmilière, à Casablanca. Ecran géant, groupe musical, buffet, décoration aux couleurs du Maroc… L’établissement privé ne lésine pas sur les moyens quand les matchs ont lieu sur le temps scolaire. « Le foot, c’est le sport national. La participation du Maroc à la Coupe du monde est un évènement exceptionnel. Tout le monde était d’accord, parents comme enseignants, pour marquer le coup », rapporte son directeur, Yassine Achraf. A Rabat, au groupe scolaire Atlas, le match contre la Croatie a été diffusé dans chaque salle de classe. « Pour nous, ça allait de soi, souligne Yasmine Kabbaj, la directrice. L’école a un rôle important à jouer dans le développement du sentiment d’appartenance à la nation et du patriotisme. »
« On respire le foot ici ! »
Outre le patriotisme, cette passion du ballon rond prend aussi racine dans une tradition très ancienne, avec l’apparition des premiers clubs dès 1913, de la première compétition structurée en 1916, la création d’une sélection nationale en 1928, six participations à la Coupe du monde depuis 1970 et dix-huit à la Coupe d’Afrique des nations (CAN), dont une victoire en 1976. « Le football au Maroc est partie intégrante de la culture populaire, souligne le sociologue Abderrahim Bourkia. Il se pratique partout, dans la rue, un terrain vague, une plage, n’importe quel endroit où l’on trouve ce qui ressemble à des buts et des poteaux, avec un ballon ou un substitut, en onze contre onze, sept, cinq, deux, et même un contre un pour les plus inventifs : on respire le foot ici ! »
Dans une rue piétonne du Maârif, un groupe d’enfants s’échange un ballon dégonflé. Quelques adolescents sont assis sur leur mobylette. Eux ne vont pas au lycée les jours de match. « Dans le public, y’a pas d’écran géant, wahlou, déplore Yahya (le prénom a été modifié), 17 ans. Mais, de toute façon, les profs ne regardent pas les absences. » L’amour du foot, pour lui, tient surtout à ses idoles. « Toutes ces stars marocaines qui évoluent dans des clubs européens prestigieux. Hakimi, Ziyech, Mazraoui… Ils représentent bien le pays ; ils vont le faire monter dans le top 16. Et nous donner une occasion de rêver ! »