Livre. Au départ, rien ne prédestinait Guillaume Vuillemey, 34 ans, à dénoncer les dérives de la mondialisation et du libre-échange. Au contraire. Professeur de finance à HEC, « probusiness » donc, il s’est passionné pour la responsabilité des entreprises et de leurs actionnaires vis-à-vis de la société et de l’environnement. Celle de leurs actionnaires est limitée à leur mise de départ lorsqu’ils achètent des actions. Dès lors, comment s’assurer que les sociétés auront le bon comportement social ou vis-à-vis de la nature ? Comment définir le bon, l’intérêt collectif ? Et surtout, lorsqu’elles disent s’en préoccuper, les entreprises sont-elles efficaces ?
Pour le savoir, le chercheur a disséqué un secteur : celui du transport maritime. Un choix qui ne doit rien au hasard. L’activité des navires est l’une des plus traçables : tous leurs mouvements sont enregistrés et documentés. Une matière formidable pour un travail académique. Et ses conclusions sont claires. La responsabilité sociétale et environnementale (RSE) laissée aux entreprises est pleine de bonnes intentions, mais c’est « un mirage » : quelques actions-chocs qui peuvent cacher la réalité du reste de l’activité.
De ces travaux il a tiré une conviction qui l’a un peu éloigné de ses recherches initiales, mais qui a donné ce court essai : c’est la règle de la collection « La République des idées », 128 pages, pas une de plus ! Pour lui, « les économistes ont échoué à saisir la nature profonde de la mondialisation ». Ils ont longtemps pensé que tous les pays tireraient avantage du libre-échange et que s’ils identifiaient des « coûts cachés », les gouvernements pourraient toujours corriger « ex post » les règles du commerce. Or ils en sont devenus incapables, en grande partie impuissants, car la mondialisation s’accompagne d’une « déterritorialisation » des acteurs, des activités économiques et même du droit.
« Raréfaction des biens communs »
Dans le secteur du transport maritime, c’est très clair : par le jeu des pavillons de complaisance, les armateurs rattachent leur flotte à la juridiction qui leur accorde le statut, le droit social ou la fiscalité les moins contraignants. C’est cela, entre autres, qui a fait chuter le coût du transport par conteneurs et permis à d’autres secteurs de pouvoir à leur tour localiser leur production là où les législations leur sont le plus favorables. « Le fait dominant de la mondialisation, conclut le chercheur, est la mise en concurrence des pays et in fine la possibilité de s’abstraire presque complètement de toute contribution aux biens communs. » Elle aboutit, dit-il, à « une abondance de biens privés » mais « s’est doublée d’une raréfaction des biens communs ».
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