L’eau est descendue du nord, gonflant les affluents du fleuve Niger et ravageant tout sur son passage. Trente-quatre Etats sur les 36 que compte le Nigeria ont été affectés par les inondations, qui ont fait au moins 600 morts ces derniers mois, selon le gouvernement fédéral. Plus de 1,5 million de personnes ont été déplacées, dont 840 000 enfants, selon l’Unicef, dans le pays le plus peuplé d’Afrique (220 millions d’habitants).
Dans les régions pétrolifères du delta du Niger, le fleuve a tout envahi avant de se jeter dans l’Atlantique, faisant disparaître la courbe des rivières, qui sont totalement sorties de leur lit. Trois semaines après le pic de l’inondation, des flots boueux continuent de se déverser dans les rues d’Oporoma, une localité située à 25 kilomètres en aval de Yenagoa, la capitale de l’Etat de Bayelsa. Dans ce chef-lieu d’environ 20 000 habitants, un silence étouffant enveloppe les quartiers les plus touchés, où l’on ne s’aventure qu’en pirogue.
Au coin d’une rue, un homme avance au milieu du courant, son short remonté haut sur les cuisses. Mao Abule rentre chez lui après avoir fait un tour le long de la rue principale, dont certains tronçons sont maintenant secs. « Cela fait deux mois que nous vivons les pieds dans l’eau, s’exclame-t-il, jovial malgré les circonstances. C’est comme ça, nous avons appris à survivre dans ce monde aquatique ! »
Sa maison est toujours inondée, mais la trace humide qui court le long du mur du salon indique que le niveau de l’eau a déjà bien baissé. Le canapé, la télévision, les chaises et une grande table en bois sont posés sur des piles de moellons pour être maintenus au sec. « Nous avons aussi construit des plates-formes dans les chambres pour y poser nos matelas, explique Mao Abule. A chaque fois que l’eau montait, on les surélevait un peu plus. »
Ce système a fait ses preuves, mais demande une attention constante. Certains voisins ont abandonné et sont partis se réfugier sur les derniers « îlots » d’Oporoma avec d’autres déplacés. Une école primaire, les gradins d’un terrain de football ou la maison d’un élu local se sont transformés en camps surpeuplés. « Nous avons sérieusement besoin de nourriture et d’assistance médicale, mais jusque-là nous n’avons quasiment rien reçu », se désole Okarodi Yogo, le jeune chef du conseil local.
Malgré la recrudescence du choléra, les enfants pataugent et prennent leur bain dans l’eau, qui a englouti le cimetière et les caniveaux remplis d’ordures. A la nuit tombée, les moustiques, vecteurs du paludisme, pullulent au-dessus des flaques. « Il y a aussi des reptiles, des serpents venimeux, que l’eau a charriés depuis la forêt », s’alarme Okarodi Yogo.
Il vous reste 67.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.