Analyse. Le décompte final des voix, trois jours après les élections législatives du dimanche 11 septembre, a confirmé le score historique de l’extrême droite, désormais deuxième force politique du pays derrière les Sociaux-Démocrates qui étaient au pouvoir depuis huit ans. Mais, le patron des Démocrates de Suède (SD), Jimmie Akesson, n’avait pas attendu les résultats définitifs, pour proclamer la victoire de son parti, le soir du scrutin, rappelant le chemin parcouru. Quand la formation nationaliste, créée par d’anciens fascistes en 1988, est entrée au Parlement en 2010, elle n’avait recueilli que 5,7 % des voix. Douze ans plus tard, elle remporte 20,6 % des votes.
Fini donc le temps où les Démocrates de Suède étaient « un petit parti dont tout le monde se moquait », a constaté Jimmie Akesson. Les voilà non seulement en tête, devant les formations de droite traditionnelle, mais en mesure d’imposer leurs exigences à un futur gouvernement, dirigé par le conservateur Ulf Kristersson, auquel ils devraient servir de force d’appoint au Parlement.
Une normalisation menée tambour battant ces dernières années, qui les a fait passer, en un temps record, de pestiférés à potentiels alliés de la droite. La Suède a pourtant longtemps fait figure d’exception sur la scène européenne. Alors que des formations nationalistes entraient au Parlement dans la plupart des autres pays, servant par exemple de soutien à la droite au Danemark dès 2001, les SD ont dû attendre 2010 pour décrocher leurs premiers sièges de députés.
Pendant près d’une décennie encore, le cordon sanitaire a résisté : les autres formations, de droite comme de gauche, se sont alliées pour les priver de toute influence au Parlement. Une stratégie dont une majorité des Suédois tiraient d’ailleurs une certaine fierté, l’imputant à leur tolérance et leur ouverture sur le monde, regardant avec un certain dégoût les voisins danois – qui le leur rendaient bien, moquant leur naïveté.
Un calcul à droite
Aujourd’hui, l’exception suédoise a fait long feu. Il faut d’abord y voir le résultat d’un calcul à droite : en 2018, après une nouvelle défaite électorale, les conservateurs et les Chrétiens-démocrates, rejoints depuis par les Libéraux, ont pris conscience qu’ils ne reviendraient jamais au pouvoir, à moins de s’appuyer sur l’extrême droite. Quatre ans plus tôt, fin décembre 2014, ils avaient passé un accord avec les Sociaux-Démocrates, les centristes et les Verts, pour garantir que le principal parti, même en minorité, puisse gouverner et voir son budget voté au Parlement. Le 3 décembre, les SD avaient dérogé à la tradition en votant en faveur du budget alternatif présenté par la droite, forçant les Sociaux-Démocrates, pourtant en tête, à mettre en œuvre ce budget.
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