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Les ministres et hauts fonctionnaires somaliens côtoient quotidiennement l’établissement. De l’hôtel Villa Rays, on aperçoit l’entrée de la Villa Somalia, la présidence, distante d’une centaine de mètres. C’est dans cette zone centrale et ultrasécurisée de Mogadiscio, au cœur du pouvoir, que le groupe djihadiste des Chabab a réussi à s’infiltrer pour prendre d’assaut cet hôtel et tuer neuf personnes.
L’attaque, commencée à 20 heures, dimanche 27 novembre, s’est transformée en un long huis clos sanglant d’environ dix-neuf heures pendant lesquelles les six assaillants d’Harakat Al-Chabab Al-Moudjahidin, le groupe terroriste somalien affilié à Al-Qaida, ont pris le contrôle de l’établissement avant d’y exécuter huit personnes et de tuer un soldat somalien. Ils ont été neutralisés en fin d’après-midi, lundi, par les forces spéciales « gashaan », formées par les Etats-Unis : « Cinq ont été abattus et un s’est fait exploser », selon les autorités.
Le ministre de la sécurité intérieure, Mohamed Sheikh Ali, présent dans l’hôtel, a été blessé, tandis que deux autres ministres, surpris pendant leur prière, ont réussi s’échapper, tout comme soixante autres personnes. Ces responsables du gouvernement constituent des cibles de choix pour les Chabab.
Complicité
Passé le choc de l’attaque, cet attentat constitue une humiliation terrible pour le président, Hassan Cheikh Mohamoud, qui se trouvait à quelques centaines de mètres au moment de l’attaque et qui aurait été escorté sous protection dans la zone verte de l’aéroport international de Mogadiscio pour sa sécurité.
Non seulement la Somalie est frappée en son cœur par un ennemi contre lequel elle assure mener une « guerre totale », mais il est désormais clair que les djihadistes ont bénéficié de complicités pour atteindre ce périmètre quadrillé par les checkpoints et les barrages filtrants, inaccessible d’habitude pour les habitants de la ville. Les terroristes sont parvenus à passer plusieurs contrôles sans être inquiétés, à l’instar de l’attentat le plus meurtrier ayant eu lieu sur le sol africain : 587 victimes à la suite de l’explosion d’un camion piégé, à Mogadiscio, le 14 octobre 2017.
« Par la grâce de Dieu, nos forces moudjahidin, qui ont mené l’attaque, ont traversé tous les barrages routiers que l’ennemi a placés sur notre chemin, à Mogadiscio », a déclaré le groupe djihadiste pendant le siège de l’hôtel, dans un communiqué où il précise également avoir fait usage de mortiers.
Multiplication des actions violentes
Ce nouveau coup porté par les Chabab fragilise Hassan Cheikh. Elu au mois de mai, celui qui a déjà occupé ce poste, entre 2012 et 2017, joue son deuxième mandat sur la guerre engagée contre les terroristes. Une guerre triple : militaire, financière et religieuse. Cependant, cet attentat vient à la fois rappeler la menace permanente que représentent les insurgés et la porosité des forces de sécurité somaliennes.
Ce lundi 28 novembre devait être jour de fête pour le chef de l’Etat. Il accueillait en grande pompe la première Conférence internationale pour l’investissement en Somalie, réunissant diplomates et hommes d’affaires. Hassan Cheikh y a tenu son discours pour sauver les apparences, au moment même où se poursuivait le siège de l’hôtel, sous les fenêtres des bâtiments de la présidence.
Depuis le mois d’août, les opérations de l’armée somalienne ont permis de reprendre le contrôle d’une cinquantaine de villages aux djihadistes qui ont toujours la mainmise sur les campagnes du sud et du nord du pays. Au-delà des gains territoriaux, le président a rallié le soutien des chefs religieux et des chefs de clan.
Mais, en difficulté sur le plan militaire, les djihadistes multiplient désormais les actions violentes. Ils frappent régulièrement dans plusieurs provinces, ciblant tantôt des hôtels, tantôt des lieux de pouvoir. Il y a près d’un mois, une double attaque à la voiture piégée faisait plus de cent victimes devant le ministère de l’éducation, là encore en plein centre de Mogadiscio.