Après le vote, jeudi 24 novembre en première lecture, de la proposition de loi visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, souligne la popularité d’une telle mesure.
L’Assemblée nationale a voté en première lecture, jeudi, une proposition de loi pour inscrire dans la Constitution que « la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Que vous inspire l’adoption d’un tel texte transpartisan ?
Je me réjouis, bien évidemment, du résultat du vote de l’Assemblée nationale, qui consacre une avancée pour les femmes. Il a un caractère historique, car il rassemble des voix nombreuses et sur tous les bancs. Qu’une telle majorité ait été atteinte à l’Assemblée nationale reflète le consensus que suscite cette mesure au sein de l’opinion. J’en appelle désormais aux sénateurs pour qu’ils comprennent l’évolution de la société française sur ce sujet. Ce serait un bel exemple que donnerait la France en devenant le premier pays au monde à constitutionnaliser ce droit.
Pourquoi est-ce nécessaire de constitutionnaliser le droit à l’avortement ?
Ça l’est pour plusieurs raisons. D’abord, au titre du principe de précaution, dans le climat actuel où l’on assiste à une montée des conservatismes dans de nombreux pays et à la prise de pouvoir de majorités très hostiles aux progrès sociaux, et aux droits des femmes en particulier.
Dans la période incertaine que nous traversons sur le plan politique, on ne sait pas quels peuvent être les nouveaux équilibres qui se dessinent à l’Assemblée nationale et au Conseil constitutionnel, garant de la constitutionnalité des lois. Une nouvelle majorité, marquée par un conservatisme certain et une vision rétrograde des droits des femmes, notamment du droit à l’avortement, pourrait arriver au pouvoir. En conséquence, des membres hostiles à cet acquis majeur pourraient être nommés au Conseil constitutionnel. Ceux qui disent qu’il n’y a pas de risque de régression sur ce sujet en France ont tort.
C’est le premier argument en faveur d’une consolidation du droit à l’avortement et, à cet égard, le seul verrou significatif, bien qu’il ne soit pas à toute épreuve, réside dans son inscription dans la Constitution.
La seconde raison de le graver dans le marbre est qu’il est extrêmement rare dans notre pays qu’une mesure sociétale qui a tant fait débattre, tant provoqué de passions au moment de l’adoption de la loi Veil [en 1975], soit aujourd’hui si consensuelle. C’est ce que révèle l’enquête conduite en octobre par l’institut Viavoice pour le Haut conseil à l’égalité (HCE), dont nous venons d’avoir les résultats.
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