Le Sénat à majorité de droite a adopté mardi 25 octobre en première lecture le projet de loi ouvrant la voie à une possible modulation de l’assurance-chômage selon la conjoncture, après l’avoir durci avec une mesure pénalisant les refus répétés de CDI à l’issue d’un CDD. Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s’accorder sur une version commune en commission mixte paritaire. Prévu sur trois jours, l’examen de ce texte porté par le ministre du travail, Olivier Dussopt, a été bouclé en une seule journée.
Ce texte prévoit dans un premier temps de prolonger les règles actuelles de l’assurance-chômage, issues d’une réforme contestée du premier quinquennat Macron et qui arrivent à échéance au 1er novembre. Il enclenche aussi la possibilité, par décret, de moduler l’assurance-chômage en fonction du marché de l’emploi, promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
Le système actuel « reste construit pour répondre à un concept de chômage de masse, sans être suffisamment incitatif au retour à l’emploi », a déclaré le ministre, soulignant que « 60 % des entreprises éprouvent des difficultés à recruter ». Ce mécanisme de modulation fait actuellement l’objet d’une concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux qui « devrait durer six à huit semaines pour aboutir d’ici à la fin de l’année », a précisé M. Dussopt. Les rapporteurs Frédérique Puissat (LR) et Olivier Henno (centriste) ont inscrit le principe de la modulation en toutes lettres dans la loi, avec le soutien du ministre.
Les intérimaires sommés d’accepter un CDI
Le ministre s’est en revanche montré défavorable à une autre mesure introduite en commission, qui prévoit qu’un demandeur d’emploi ayant refusé trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD ne puisse pas avoir droit à l’assurance-chômage. Des sénateurs LR, dont leur chef de file Bruno Retailleau, ont tenté de durcir encore plus cette disposition dans l’Hémicycle. Un amendement prévoyant la privation d’indemnisation au premier refus a été rejeté d’extrême justesse.
Le Sénat a ensuite adopté un autre amendement LR visant à exclure de l’allocation-chômage les intérimaires qui n’acceptent pas un CDI proposé sur le poste qu’ils occupent en intérim.
Quant à la disposition assimilant « l’abandon de poste » à une démission, introduite à l’Assemblée par des amendements de la majorité présidentielle et des LR, les sénateurs ont précisé la procédure applicable afin de la « sécuriser ».
La gauche est vent debout contre un texte qui « stigmatise les demandeurs d’emploi et les fait passer pour des profiteurs », selon Monique Lubin (PS). Les groupes PS et Ecologiste ont apporté leurs voix à une motion de procédure du groupe CRCE, à majorité communiste, visant au rejet du projet de loi, mention qui a été repoussée. « Les salariés ont beaucoup perdu ce soir », a estimé Cathy Apourceau-Poly (CRCE).
Demande de concertations avec les partenaires sociaux
« Afin de redonner la main aux partenaires sociaux », les sénateurs ont réécrit l’article premier du texte qui prévoit la prolongation des règles actuelles de l’assurance-chômage. La date butoir du 31 décembre 2023 a été ramenée au 31 août. Cette période « devra être utilisée pour engager des concertations destinées à faire évoluer la gouvernance de l’assurance chômage », a indiqué Mme Puissat. « Sans réforme globale et profonde, le paritarisme aura vécu », a mis en garde le centriste Jean-Marie Vanlerenberghe. Opposé à la réécriture des sénateurs, le ministre a rappelé de son côté s’être engagé sur l’ouverture de négociations sur la gouvernance.
La droite sénatoriale a par ailleurs modifié les paramètres du bonus-malus, un dispositif qui a vocation à limiter les contrats courts. Ont été notamment exclues du dispositif les fins de missions d’intérim.
Un autre volet du projet de loi prévoit de faciliter la validation des acquis de l’expérience (VAE). Les sénateurs l’ont ouvert encore davantage et ont donné leur feu vert à une expérimentation proposée par le gouvernement de « VAE inversée », alliant emploi et formation.