A quelques exceptions près, la présentation faite actuellement sur le nucléaire dans les médias et la parole publique s’inscrit dans un mouvement qui prend malheureusement de l’ampleur : celui de la vérité alternative, chère à Poutine, à Trump et à quelques autres. Celle-ci a notamment pour fâcheuse conséquence de raconter une histoire complètement fausse, appliquant le fameux adage : « Plus c’est gros, plus ça passe. »
On peut être un partisan du nucléaire, en raison de la priorité absolue donnée à la lutte contre le dérèglement climatique, en arguant que jamais les énergies renouvelables ne permettront un volume d’électricité suffisant. C’est de moins en moins exact, mais c’est une thèse qui peut s’entendre. En revanche, à force d’entendre des contre-vérités, les Français sont aujourd’hui convaincus d’une série d’inepties :
« L’énergie nucléaire est la moins chère. » C’est faux. Si la France a effectivement bénéficié d’une énergie bon marché durant de longues années, grâce au nucléaire payé par les Français, l’énergie nucléaire elle-même est aujourd’hui une des plus coûteuses. Amory Lovins, dans un entretien accordé au Monde le 31 octobre, précise : « Les analystes de Bloomberg New Energy Finance disent qu’un nouveau kilowattheure nucléaire coûte cinq à treize fois plus cher qu’un nouveau kilowattheure solaire ou éolien. »
Choix financiers totalement déraisonnables
« L’énergie nucléaire est la seule à pouvoir assurer l’indépendance de la France. » C’est totalement faux. Le vent, le soleil, l’eau dont bénéficie notre territoire assurent notre indépendance. Il n’en va pas de même de l’uranium, qui est extrait de pays « complexes », comme le Niger ou le Kazakhstan. Les combustibles eux-mêmes nous rendent dépendants à 30 % du russe Rosatom, comme si le précédent du gaz ne nous avait pas suffi. D’ailleurs, l’Allemagne n’a jamais compté le nucléaire comme une énergie assurant l’indépendance du pays.
« La filière industrielle nucléaire est le fleuron de l’industrie française. » Elle l’a été. Elle ne l’est malheureusement plus. Aucun EPR n’a été vendu à l’étranger depuis les deux réacteurs d’Hinkley Point, en réalité vendus à EDF, puisque British Energy appartient à EDF. Inutile de s’appesantir sur Olkiluoto (dix-neuf ans de retard) et Flamanville 2 (un coût de 19,1 milliards contre 3,3 milliards prévus et toujours pas démarré).
« Les déboires actuels du nucléaire trouvent leur responsabilité chez les écologistes qui ont obtenu la fermeture de Fessenheim. » C’est évidemment totalement faux. Les déboires actuels du nucléaire trouvent leur responsabilité chez les propres acteurs du secteur. En cause : des choix financiers totalement déraisonnables, des investissements compris entre 10 milliards et 20 milliards de dollars perdus à l’étranger, l’absence d’entretien à un niveau convenable du parc français. En particulier, onze ans après Fukushima, les centrales qui, pour des raisons purement financières, ont décidé de recourir à la sous-traitance, plutôt que de maintenir un niveau élevé de personnel qualifié. Quant à Fessenheim, sa fermeture incombe au choix d’EDF de ne pas investir, à partir de 2018, dans cette centrale qui devait effectivement fermer si Flamanville ouvrait. Ce choix a conduit à devoir fermer en 2020, faute d’avoir réalisé les travaux minimaux, alors même que Flamanville n’était pas ouvert, et que la centrale pouvait donc continuer à fonctionner. De plus, cette fermeture s’est accompagnée de centaines de millions d’euros payés à EDF pour une prétendue perte dont elle est en réalité largement responsable.
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