Matthijs Rooduijn est enseignant-chercheur au département de sciences politiques à l’université d’Amsterdam (Pays-Bas), spécialiste des populismes européens. Du nord au sud de l’Europe, l’extrême droite gagne du terrain : elle a fait une entrée en force à l’Assemblée nationale en France, détermine en grande partie le programme de gouvernement en Suède et dirige la coalition au pouvoir en Italie.
Qu’ont en commun les partis d’extrême droite européens ?
Il faut d’abord s’entendre sur les qualificatifs donnés à ces formations. Les appellations « postfasciste » ou « néonazi » qui leur sont accolées ne sont pas satisfaisantes.
Même si les racines de certains de ces mouvements politiques plongent dans le fascisme ou le nazisme – ce qu’il est important de souligner –, ils sont différents des partis des années 1930. Leur attribuer ces qualificatifs ou les renvoyer systématiquement à leur histoire tend à occulter ce qui est au cœur de leur programme, de leur idéologie et de leur vision du monde, aujourd’hui.
Ces formations reposent sur des piliers communs : le nativisme, l’autoritarisme et le populisme. Le nativisme, qui est une forme de nationalisme fondé sur l’exclusion, établit une distinction entre des citoyens qui seraient intégrés à la nation et d’autres qui demeureraient à l’extérieur. Selon les partis, ce second groupe d’« outsiders » recouvre diverses catégories d’individus : ceux qui ont une autre religion, ceux qui appartiennent à une minorité ou à une ethnie différente, les immigrés… Cette attitude peut donc s’exprimer de plusieurs manières : antisémitisme, racisme, islamophobie… Mais ce nativisme est pour tous ces partis l’élément principal de leur idéologie, autour duquel s’articulent leurs convictions.
En second lieu, ils partagent une forme d’autoritarisme, avec l’idée que la société doit être davantage contrôlée et que les infractions à la loi doivent être sévèrement punies, en particulier quand elles sont commises par des étrangers. Quant à leur populisme, il repose sur la conviction que le « bon peuple » est trahi, négligé par une « élite démoniaque » – surtout politique, mais aussi économique et culturelle.
La force de leur message réside dans leur capacité à lier nationalisme et populisme : la nation contre l’« Autre », et le peuple contre les élites. A cela s’ajoute chez certains la conviction que les élites complotent pour faire entrer les migrants dans leur pays. Cette combinaison a fait le succès des extrêmes droites ces trente dernières années.
Enfin, on trouve dans ces mouvements les tenants des théories du complot, comme celles, récentes, autour du climat ou du Covid-19.
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