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L’Afrique à l’heure des comptes avec la France

L’Afrique à l’heure des comptes avec la France


La nuit est tombée sur Paris. Pourtant, rue Saint-Dominique, où diplomates et militaires se partagent un bâtiment, et dans l’Hexagone Balard qui regroupe les états-majors des armées françaises, des mains anonymes s’activent pour contrer le flot de « fake news » qui inondent les réseaux sociaux. Ce vendredi 30 septembre, l’issue du coup d’Etat militaire intenté quelques heures plus tôt au Burkina Faso est encore incertaine, mais les infox – relayées par des « agents russes », selon des sources françaises –, accusent la France de larguer des parachutistes au-dessus de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, pour « sauver » le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir huit mois plus tôt à la faveur, lui aussi, d’un putsch. Ou de l’abriter dans la base des forces spéciales françaises de Kamboinsin en banlieue de Ouagadougou, en vue d’organiser la riposte contre ses anciens frères d’armes qui s’apprêtent à le renverser. Paris n’a pas encore réagi officiellement aux événements, mais un dessein lui a déjà été imputé : soutenir un chef d’Etat vacillant contre la volonté supposée de son peuple.

Ce putsch va mettre en lumière les fêlures au sein de l’armée burkinabée, incapable d’endiguer la flambée djihadiste qui dévore désormais 40 % du territoire national et pousse à bout la population. Il va aussi être la démonstration selon laquelle, dans un moment de confusion, il suffit de dénoncer d’éventuelles interférences françaises pour voir descendre des milliers de jeunes dans la rue et faire basculer l’histoire.

« On n’a rien à voir avec Damiba. Il n’est ni gardé ni protégé par les forces françaises », garantit ce soir-là par SMS une source diplomatique, avant même d’être sollicitée. Une exfiltration du lieutenant-colonel en difficulté – à l’image de l’opération qui avait soustrait, en 2014, le président de l’époque tout juste renversé, Blaise Compaoré, à la vindicte de la rue – est-elle envisageable ? « C’était un autre temps, coupe promptement une source militaire. Les événements d’aujourd’hui sont traités comme une affaire interne au Burkina Faso. » Les diplomates chargés de l’Afrique, et les officiers pour lesquels ce continent demeure un irremplaçable terrain d’entraînement et d’opérations stratégiques, pressentent-ils la vague qui va déferler ?

Le rejet de Paris, outil de mobilisation

Le lendemain, 1er octobre, un soldat insurgé intervient sur le plateau de la télévision nationale du Burkina (RTB) pour accuser le camp rival (celui des pro-Damiba) de « préparer une contre-offensive » avec l’appui de Paris. Qu’importent les démentis officiels de la France, son propos a l’effet d’un appel à la mobilisation populaire. La suite se déroule selon un scénario désormais familier. Des pierres et des cocktails Molotov fusent sur l’ambassade de France ; les Instituts français de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont saccagés. Des jeunes se massent à proximité des lieux associés à une présence française, prêts à des débordements. Des drapeaux russes apparaissent dans les foules en courroux. Aucun ressortissant français n’est blessé, mais les symboles économiques de l’ancienne puissance coloniale (agences Air France, stations TotalEnergies et locaux du groupe Bolloré) sont vandalisés.

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