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La Turquie punira de prison la divulgation de « fausses nouvelles »

La Turquie punira de prison la divulgation de "fausses nouvelles"



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Le Parlement turc a adopté jeudi une loi vivement critiquée par l’opposition prévoyant de punir jusqu’à trois ans de prison toute personne accusée de répandre des « informations fausses ou trompeuses ».

La Turquie a adopté jeudi 13 octobre une loi décriée sur la désinformation qui, à huit mois des élections générales, punit jusqu’à trois ans de prison toute personne accusée de répandre des « informations fausses ou trompeuses ».

Débattus depuis début octobre, les 40 articles du texte officiellement baptisé « loi sur la presse », ont fait l’objet de nombreux amendements déposés en vain par l’opposition qui dénonce pour sa part une « loi de censure ».

L’article 29, en particulier, prévoit des peines de prison de un à trois ans pour « propagation d’informations fausses ou trompeuses, contraires à la sécurité intérieure et extérieure du pays et susceptibles de porter atteinte à la santé publique, de troubler l’ordre public, de répandre la peur ou la panique au sein de la population ».

Peu de chances d’être arrêté

Outre les journaux, radios, télévisions, la loi vise les réseaux sociaux et les sites Internet auxquels il sera demandé de dénoncer et de livrer les informations personnelles de leurs usagers accusés de propagation de fausses nouvelles.

L’opposition a vainement tenté de faire obstacle à ce texte déposé en mai par les députés AKP – le Parti de la justice et du développement du président Recep Tayyip Erdogan, qui briguera un nouveau mandat en juin 2023. Mais avec une majorité de 334 sièges sur 581 pour l’AKP et ses alliés au Parlement, le texte avait peu de chances d’être arrêté.

En décembre 2021 le chef de l’État avait estimé que les réseaux sociaux, d’abord perçus comme un symbole de liberté, étaient « devenus une des principales menaces à la démocratie ».

À coup de marteau

Aux dernières heures des débats et dans un mouvement d’humeur, un député du parti CHP (social-démocrate) d’opposition, Burak Erbay, s’adressant à la jeunesse turque qui « votera pour la première fois en juin » – et qui subit de plein fouet la grave crise économique -, a brandi son smartphone et l’a écrasé d’un coup de marteau.

« Vous n’avez qu’une seule liberté, c’est ce téléphone dans votre poche. Là, vous avez Instagram, YouTube, Facebook. Vous échangez. Aujourd’hui, 12 octobre, si la loi est adoptée par ce Parlement, vous pourrez les casser comme ça, mes jeunes frères. Parce que vous ne pourrez plus vous en servir. » Puis se tournant vers le gouvernement : « Laissez-moi vous prévenir : en juin 2023, ces chers jeunes gens vous vont donner la leçon que vous méritez. »

Meral Danis Bektas, élue HDP (opposition, pro-kurde) a également estimé que « cette loi est une déclaration de guerre à la vérité ».

« Bulletin de désinformation »

La loi stipule encore que la présidence se chargera de préparer un « Bulletin de la désinformation chaque lundi (…) afin d’informer le public sur la désinformation et les fausses nouvelles ».

Le projet de loi a suscité de nombreuses inquiétudes dans les milieux journalistiques et les organisations de défense des droits humains qui s’étaient mobilisés au début du mois, masqués de noir devant le Parlement.

Une dizaine d’associations et de syndicats de journalistes, dont Reporters sans frontières (RSF) avaient dénoncé le texte comme une tentative de censure de la part du gouvernement.

« Entrave » à la liberté d’expression

« La Turquie entre dans des temps difficiles : chacun sera touché par cette loi » a tweeté jeudi soir l’avocat et codirecteur d’une association de défense de la presse (MLSA), Veysel Ok, lui-même plusieurs fois poursuivi dans le passé, énumérant « l’opposition, les ONG, les associations d’avocats, de journalistes et les citoyens ordinaires…. ».

Selon le classement de RSF, la Turquie figure en 2022 au 149e rang sur 180 pays pour la liberté d’informer.

Avant que la loi passe, le Conseil de l’Europe avait dénoncé une « entrave » à la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme. Début octobre, il s’était inquiété « des conséquences potentielles » du texte, notamment d’un risque de « renforcement de l’autocensure » dans la perspective des prochaines élections.

Avec AFP

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